Planet Arrakis

Jeux de rôle, jeux de plateau, prenez ce qui vous plait…

Archive pour Récit

Dune – Chronique de la Maison Hoffen Zeller

Un commencement est un moment d’une délicatesse extrême… Quand mon père Shaddam IV, Padishah-empereur de l’Univers Connu, décida de confier à la maison Hoffen Zeller, l’arbitrage d’Arrakis, je me résolvais à prendre mentalement des notes, me doutant qu’il faudrait un jour que quelqu’un raconte cette histoire extraordinaire. En effet, depuis un siècle, les Harkonnens possédaient le fief de Dune, et assuraient, certes avec une violence extrême, le bon approvisionnement du Mélange. Pourquoi mon père, qui ne portait pas le Duc dans son cœur, avait-il décide de donner Arrakis aux Atréides, les pires ennemis du Baron ? Et pourquoi diable avait-il confié le soin de l’Arbitrage du Changement à la Maison, certes honorable, mais mineure, des Hoffen Zeller ?

Voici donc, gravé sur shigraville, la chronique de la première année de la Maison sur Arrakis. Comment elle tenta de résoudre ses problèmes de succession familiale, tout en arbitrant au mieux le passage de témoin entre les Harkonnens et les Atreides…  

Prière à Ulric

Coincés dans les profondeurs de Khadar Khalizad, nos héros, guettant la fin de de la peste répandue par le Rat Cornu, s’en remettent à Ulric. Hadden improvise alors cette longue prière :

 

A toi Ulric, Seigneur des Loups, Dieu de l’Hiver
Et des Forêts, Maître de Guerre et du fracas,
Je te dédie mon sang, ma bravoure au combat
Mais entend aujourd’hui mon unique prière.

Que ma lame transperce et jette sous la pierre
Adeptes du Chaos, adorateurs du Rat,
Pour défendre l’Empire et pour Katarina
Fille du Nord, aux cheveux d’or, fière héritière.

Protège la Gravin, élue parmi les rois,
Ici présente, à mes côtés, et devant Toi,
Main dans la main, cœur contre cœur,
face au danger.

Accepte en ce serment le don de tes enfants,
En ta Flamme sacrée, l’offrande de nos sangs.
Sur ma vie, par ma foi, mon souffle et mon épée!

Qui a dit que les rôlistes n’étaient pas poètes ?

Jimmy Fortunately, un Personnage pour Chroniques Oubliées Western « West Legends »

 

« Alors comme ça on voudrait connaître la vie du vieux Jimmy ?
Qu’est-ce que tu crois, fils de pute ? Que je vais tout te raconter ? C’est pas un blanc-bec comme toi, un putain de pied-tendre yankee qui va me tirer les vers du nez. J’ai survécu à Manassas, j’ai survécu à Antietam, j’ai survécu à Fredericksburg, à Chancellorsville, à Brandy Station… Et j’ai déserté après Gettysburg… Alors c’est pas ton étoile de shérif qui m’impressionne. Et là, tu vois, c’est une pipe en écume de mer que j’ai reçu des mains même du Vieux Jeb en 61, et elle aussi, elle a survécu à toutes les batailles ; alors avant que je casse ma pipe… Quand t’as passé trois ans au 1st Virginia Cavalry sous les ordres de JEB Stewart, t’es tanné comme du cuir, pour sûr !
J.E.B Stuart 1833 -1864
Alors c’est vrai, on nous a toujours pas pardonné d’être arrivés en retard à Gettysburg, mais le reste du boulot on l’a fait ! Trois ans à chasser ces putain de yankees, à les harceler, à leur bouffer le cul sur leurs lignes… Trois ans sur un cheval, à se cacher dans les fourrés, à leur larder la couenne à coups de sabre, ou les abattre comme des chiens à plus de 200 yards. On dit que je suis vicieux, un tueur-né. Peut-être. Mais les gars qu’étaient pas vicieux, ils sont plus là, tu sais…
Nathan Bedford Forrest1821 –
Après la guerre ? J’ai traîné un peu avec l’autre cinglé de Nathan Bedford Forrest, mais brûler des négros, c’était pas mon truc. J’ai vu assez de saloperie ; il était temps de gagner un peu d’argent avec. Ce fumier de Sherman avait brûlé l’épicerie paternelle à Bentonville… A part mon cheval, j’avais plus un sou en poche. Je suis parti vers l’ouest… Je sais tirer et monter à cheval, ça peut servir, non ? »
Bataille de Bentonville, 20 mars 1865

Le lai de Khadar Khalizad

Il y a une corde rare, chez le rôliste, celle du poète. Hadden, (joué par Laurent), est de ceux là… Coincé depuis quelques jours dans les profondeurs de Khadar Khalizad, la cité naine abandonnée de La Campagne Impériale de Warhammer lui a composé ce sonnet :

 

Il est une cité, ancienne et souterraine,
Creusée sous la montagne, au cœur noir d’un volcan.
Forteresse perdue depuis plus de mille ans,
Abandonnée des nains ayant fui leur domaine.

Car le roi khazalide, en ces profondeurs naines,
Et son ami Sigmar, et ses guerriers vaillants
Sont descendus combattre un danger menaçant
Et tous ont disparu pour une mort certaine.

Depuis ce sacrifice au destin si fragile,
Le peuple khazalide est toujours en exil,
Honteux et malheureux de porter ce fardeau.

Le royaume des nains, oublié sous les cieux,
N’est plus qu’un long dédale, obscur et silencieux,
Mais demeure un secret en ce vaste tombeau.

La Nuit des Chasseurs, les résumés

Ce qui fait le plus plaisir au Maître de Jeu, c’est connu, c’est qu’on lui en demande encore plus qu’il n’en donne. Aussi quand le Karl Ferenc a exigé, sur ce même site (voir commentaire de l’article précédent), que ces résumés soient présents sur Planet Arrakis, évidemment, j’ai biché.

Car Karl Ferenc est aussi joueur, sous le nom de Frank Anderson, avec ses amis Larry Ayerdahl et Darcy « Red » Flynn, à l’excellente Nuit des Chasseurs, le formidable western d’Yno, qui en seulement 52 pages A5, permet à des joueurs créatifs de broder sans fin dans ce bac à sable western (pardon, ce shooter).

La Nuit des Chasseurs, c’est quelques pages de règles (Corpus Mechanica, le système maison utilisé aussi dans Notre Tombeau), un setting complet avec la petite ville minière de Desolation, Texas, où les personnages sont parachutés Marshalls, par un simple twist of fate, comme dirait Dylan.

À partir de là, chacun peut faire son miel comme il l’entend : Southern Gothic, Western Spaghetti, ou revival façon Red Dead Redemption, ou pourquoi pas, steampunk façon Les Mystères de l’Ouest.

Dans la Nuit des Chasseurs, les joueurs peuvent faire absolument ce qu’ils veulent. Pour cela, le MJ dispose d’une galerie de personnages très touffue, jouant des clichés avec subtilité (le sheriff, les grands propriétaires, le croque mort…), quelques lieux emblématiques (le saloon, le bordel, …), 2 ou 3 accroches de scénario, et un fil rouge qui drive les joueurs.

La Nuit des Chasseurs devient alors une partie de ping-pong entre les idées du MJ et celles des joueurs : tout simplement ce que devrait être une partie de jeu de rôle.

« Un problème, pied tendre ? » 
Kyle McCarthy, Sherif deputy

Voici donc le résumé, épisode par épisode, de La Nuit des Chasseurs. N’ayant pas le temps d’écrire une chronique de 400 pages comme celle de Hadden sur La Campagne Impériale, ou celle de Gilles sur son Cirande (un autre bac à sable passionnant), j’ai trouvé un système plus simple : un PowerPoint que je mets à jour après chaque partie avec les photos des principaux protagonistes et des relances à la manière des feuilletons du XIX° siècle … ou du Rocky Horror Picture Show !

Episodes :

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Desolation s01e02

Desolation s01e03

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La Nuit des Feuilles d’Or

ATTENTION SPOILER LA CAMPAGNE IMPERIALE

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La Nuit des Feuilles d’Or, c’est probablement ainsi que l’on nommera la nuit du 23 septembre 1512. La nuit où la violence s’est déchaînée entre Ulricains et Sigmarites.

Au départ, il y a le Conseil Impérial convoqué par Karl-Franz 1er. Le deuxième Conseil Impérial, devrait-on dire. Car au premier, l’Empereur est assassiné à l’extérieur de la Volkshalle, au moment où il découvre – comme la populace ébahie – la tête d’un dragon présentée par les Templiers de Sigmar ! Rentrant à l’intérieur de la Tente de Pierre avec les Princes Electeurs pour décider des mesures à prendre , il est sauvagement frappé d’une dague par un  Garde Impérial. Et ce n’est pas tout ; dans le même temps, de courageux templiers (Konrad et Jochen) dévoilent dans les sous-sols du Palais Théogonal un incroyable secret. Celui de la Main Pourpre, qui, depuis quinze ans, tisse sa toile dans le Vieux Monde, et qui cache son identité derrière rien de moins que le Grand Théogone de Sigmar lui-même !

Günther Thitmarus

Günther Thitmarus, l’assassin de l’empereur

Un deuxième Conseil Impérial doit se tenir d’urgence, sous la supervision du Chancelier Kageneck, Kanzler Imperator en lieu du Sigmaris Recipiente Imperator*, afin d’élire immédiatement un nouvel Empereur. Karl Franz a fait part de ses volontés en proposant au libre vote des Huit Tribus son neveu Wolfgang que tout le monde prend, au mieux pour un fou, au pire pour un marqué. Si cela se confirmait – celui-ci faisant l’unanimité des Princes Electeurs contre lui – l’Empire, pour la première fois, voterait contre la volonté de l’Empereur.

Et c’est justement ce qu’il fit.

Un par un, tandis que ses alliés traditionalistes suivaient la volonté de l’Empereur défunt (le Stirland, le Wissenland, le clergé sigmarite…), des Electeurs qui n’avaient jamais voté contre l’Empire le firent pour la première fois. Le Grand Prince Tasseninck d’Ostland, malgré la mort de la prunelle de ses yeux, le Jeune Prince tué six mois plus tôt lors d’un tournoi à Bögenhafen, vota avec les Ulricains qui avaient tué son unique héritier. Plus étonnant encore, la Comtesse Emmanuelle de Nuln fit de même.  Des rumeurs avaient filtré d’une alliance avec Middenheim menée par le Bâtard autour d’achat de canons ziflinides. Mais qui aurait pu croire que Nuln, la Perle du Reik, voterait un jour avec les Ulricains ?

Wolfgang de Holswig-Schliestein

Wolfgang de Holswig-Schliestein,
le neveu fou
par Alberto Flipi, Musée de Maragliano

Wolfgang, dans sa démence, dût se rendre à l’évidence : il n’obtiendrait pas les voix nécessaires pour succéder à son oncle. Pire, la trahison venait de son propre camp. Les petits hommes du Moot s’abstenant via la voix de l’Ancien Hisme Cœurvaillant, le sort en était jeté.

Ivre de rage, au bord des larmes, Wolfgang tenta toutes les manœuvres, choquant jusqu’à son propre camp (il s’était déjà assis d’autorité sur le Trône de Sigmar, tabou insensé) : menaces, et larmes.

Jusqu’à ce que ce que la Princesse Katerina, au grand dam d’Hadden, le Chevalier Panthère assurant sa protection, ne vienne apporter un peu de réconfort à cet homme à l’âme d’enfant. Mal lui en prit. Wolfgang de Holswig-Schliestein s’était agenouillé, sanglotant, suppliant, contre la Gravin de Middenheim. Il se releva d’un bond et lui planta sa dague d’apparat dans le ventre.

Dès lors, le chaos s’empara de la salle : Hadden s’efforçant d’exfiltrer au plus vite la princesse, les ulricains et les sigmarites sortant les épées, frappant les uns et les autres sans discernement, et Helmut, Jochen, Konrad tentant de forcer une sortie pour la Cour de Middenheim.

Rapidement, la contagion se répandit en ville comme la peste. Comme si les graines de la haine religieuse, plantées depuis longtemps, écloraient soudainement.

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L’incendie d’Altdorf, gravure d’époque, Anonyme, circa 1512

Bientôt, chaque Prince Electeur tenta de fuir Altdorf, tandis que divers incendies illuminaient la nuit de la Cité Impériale. Nos héros s’étaient regroupés à l’Impérial, la belle auberge où les comtes de Middenheim ont pour habitude de se loger, et soudain si mal nommée. Toute la nuit, la comtesse menaça de passer de vie à trépas (on parla même de poison). L’auberge subit le véritable siège d’une foule déchaînée. On projeta même un chariot enflammé contre le portail, que de pauvres chevaux, enduits de poix, brisèrent en hurlant leurs cris d’agonie.

Au matin, la cour de Middenheim, entourée de quelques Chevaliers Panthères, réussit à s’enfuir sur une péniche, en contemplant dans le silence de la brume matinale l’horrible spectacle des massacres de la nuit ; pendus de toutes religions aux trois ponts d’Altdorf, églises incendiées, et innombrables cadavres jonchant le grand fleuve, au milieu d’une marée dorée.

Celle des feuilles d’automne, qui -comme un présage – avait jauni la nuit précédant le Conseil.

Avant la Nuit des Feuilles d’Or…

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* En cas de décès de l’Empereur, le Chancelier de l’Empire devient Kanzler Imperator en lieu du Sigmaris Recipiente Imperator, c’est-à-dire empereur par intérim, avec pour seules prérogatives l’organisation de la succession : convocation d’un Conseil Impérial spécial, organisation du vote, et des cérémonies d’intronisation du nouvel empereur.

Quand on (la Gravin Katerina) arrive en ville…

Dans le merveilleux monde de Warhammer, l’Empire est gouverné par des Princes Électeurs, sur le modèle du Saint Empire Germanique de la Renaissance. Ces Princes Électeurs, très puissants, élisent l’empereur et participent ensuite aux conseils impériaux. C’est donc un double événement quand Altdorf accueille un Conseil Impérial, et deux nouveaux Princes Électeurs, en la personne de Sonn-Ulric, Commandeur des Ulricains, Pourchasseur de l’Hérésie, Seigneur des Vents et des Tempêtes, de la Neige et des Cieux, et Katerina Todbringer, Gravin de Middenheim. Les douloureux événements ont failli décapiter la Cité-Souveraine, mais grâce à l’intervention de quatre courageux cul-terreux, la situation s’est progressivement rétablie.

Katerina Todbringer Middenheim

Katerina Todbringer, avant son accession au trône
(Mantegno Bartolomea, circa 1512)

L’arrivée de la Gravin est l’occasion d’une démonstration de force : avec Sonn-Ulric, le futur Ar Ulric de la religion du Loup Blanc, Katerina ne rassemble pas moins de la moitié de la population de l’empire. Sa venue à Altdorf est l’occasion de démontrer son pouvoir, sur ses Princes Electeurs vassaux, mais également vis-à-vis du camp sigmarite. Et les Todbringer ont vu grand.

Char Katerina

Le char de Katerina Todbringer
(esquisse de travail, collection particulière)

 Sur un char richement ornementé d’un griffon d’or, et tirée par des chevaux blancs, Katerina apparait dans une robe de lin immaculé et de dentelle filée d’or. Des edelweiss ornent ses cheveux, et à ses côtés, le jeune Sonn-Ulric semble minuscule avec sa couronne de marguerites.

Sonn Urlic

Sonn-Ulric, avec sa traditionnelle couronne de marguerites
(Château des Graf de Middenheim)

 Un canon, cette nouvelle et terrible arme, richement ouvragé, sert de proue vaguement menaçante. On s’interroge : d’où viennent ces canons ? Est-ce les nains Ziflinides qui ont fondu cette nouvelle arme ? L’Ecole d’Artillerie de Nuln est-elle derrière tout ça ? Et à quoi vont-ils servir ? La Gravin veut-elle déclarer la guerre à l’Empereur !?? Veut-elle soutenir le Grand-Duc von Krieglitz ?

Aucune réponse, évidemment, ne peut être donnée.

Pour le moment, Katerina descend la Grande Route de Middenheim, saluée par une foule admirative, de plus en plus nombreuse alors que l’on s’approche de la capitale.

Même les sigmarites applaudissent à deux mains ; les paysans se juchent sur les meules, les ouvriers sur les échafaudages arrêtent de travailler, les commerçants sortent de chez eux et acclament Katerina et Sonn Ulric :

– « Longue vie aux nouveaux Princes Électeurs ! Vive Katerina !! Vive la Gravin !! Vive Sonn Ulric !! Que son Loup vive en nous !!! »

***

À l’entrée nord d’Altdorf, quand le chariot apparaît, c’est l’apothéose : suivant des instructions habilement imprimées (Middenheim est passée maître dans cette nouvelle façon de fabriquer des livres) et placardés dans toute la ville par une armée de gamins en haillons, une foule immense s’est massée le long de la route. Vêtu de blanc, le peuple d’Ulric entonne le Vaterland. Les nains de Middenheim, exilé depuis le terrible épisode fiscal de juin dernier, ont quand même accouru de leur campement des faubourgs ; ôtant leurs casques, ils s’inclinent en signe de respect devant la nouvelle Gravin.

C’est à ce moment précis qu’ils réalisent avec horreur que le chariot est suivi par les Ziflinides, leurs ennemis jurés ! Voilà les Khazalides retournant en pleurant au campement, jetant bas leurs casques et maudissant la Gravin :

– « Akan Katerina ! Katerina AKAAAN !!! »

La Gravin semble n’avoir pas vu ces protestations, mais son demi-frère, le populaire Heinrich détourne la tête, tandis que son âme damnée tiléenne, le mystérieux Machiavelli, peine à contenir son exaspération. Deux des fameux Chance du Graf semblent eux aussi parfaitement déprimés, car on les dit très proches des nains de Middenheim.

Mais tout va très vite, car le char de Katerina est déjà entré dans Altdorf. Les rues se resserrent et, dans la grande rue, malgré l’escorte imposantes des Chevaliers Panthères lourdement armés, la foule se presse pour approcher Katerina, lui tendre une marguerite ou un chiffon blanc.

Voici par exemple un homme corpulent qui s’approche, la cinquantaine, habillé de blanc, des edelweiss à la main. Il s’approche du char comtal : « Vive la princesse ! Vive la Gravin Katerina! » Katerina sourit et lui fait signe de monter sur le char ; l’homme lui tend son bouquet mais la Gravin n’a pas le temps d’écarquiller les yeux car la lame du couteau a déjà déchiré sa robe ; une goutte de sang perle et macule  le lin de cette couleur si caractéristique, le grenat du sang des jeunes femmes !

– « Mort à la louve ! Mort aux chiens d’Ulric !!! »

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L’assassin de Katerina, semble-t-il un employé des abattoirs 

Une des Chances du Graf, Hadden, s’est déjà rué sur le petit escalier qui monte au sommet du char; tirant l’homme par les cheveux, il l’arrache de la Gravin devant le regard interdit de Sonn Ulric. Déjà, son poignard de chasse s’enfonce dans les côtes de l’homme, qui chute lourdement dans la poussière de la rue ; des Chevaliers Panthères sont déjà sur lui.

Par une chance incroyable, la Gravin n’a été qu’écorchée, et pleine de maturité, c’est elle qui rassure la foule, puis – foi religieuse ou génial geste politique – s’agenouille devant Sonn-Ulric pour demander sa bénédiction.

La foule, en larmes, entonne le Vaterland. Car, pour sûr, le Seigneur Ulric était ici aujourd’hui.

« Un Bien Étrange Parrain » le chapitre 2 des Mémoires d’Adrien de Lamont

Quelques jours après Noël, le seigneur de Lamont a trépassé et été mis en terre. Les pleurs de Gauthier n’ont guère fait illusion … ni changé la décadence du garçon qui reste la plupart du temps introuvable. Pour Adrien, la mission paternelle semble à la fois étrangement simple (porter 10 livres grecs à quelqu’un) et terriblement compliquée (ce quelqu’un étant un parfait inconnu résidant en un lieu indéterminé).

Mais la difficulté commence en fait dès à présent : Polignac lui confirme que si la bibliothèque de François est bien fournie avec une quinzaine d’ouvrages à la clé, elle ne compte en tout et pour tout que 3 livres grecs. Où sont ces fichus livres ? S’ils ne sont pas dans la bibliothèque, ils sont forcément dans la demeure, sinon le patriarche l’aurait précisé … Les braves Léon et Madeleine débloquent à tour de rôle l’énigme posée : le premier indique à Polignac et Adrien la présence d’un coffre de voyage placé auprès du lit du défunt qui s’avère contenir un plus petit coffre en bois précieux, protégeant vraisemblablement les ouvrages … mais fermé à clé … une clé, dont a connaissance la timide Madeleine.

François n’a en effet pas tout dit à Adrien : il a fait promettre à Léon et à Madeleine que s’il lui arrivait malheur, ils devraient se soustraire aux usages et aider non pas l’aîné Gauthier mais le cadet Adrien dans cette aventure … La clé ? Ils ne peuvent lui confier la clé de François, mais Léon connait le parrain d’Adrien – le Père Jean, le curé de la paroisse, aussi – et sait où il se trouve !

Étienne de La Cassière n’est ni plus ni moins que le Baron d’Aydat ! Baron … un rang plus élevé que celui d’Adrien, simple Écuyer mais aussi que celui de son père, le Chevalier François ! Léon apprend à Adrien qu’Étienne et François, excentriques tous les deux, ont un long passé commun, notamment sur les routes d’Italie … et lorsque Léon évoque la source de ses informations, qui n’est ni plus ni moins que son frère Mirgal, qui sert de La Cassière, le prénom de ce dernier déclenche chez Adrien un violent flash …

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Mirgal, le joyeux gai luron qui accompagne monsieur de La Cassière

Adrien se souvient … il avait 5 ou 6 ans … l’arrivée de 4 ou 5 chevaliers dans la cour de Lamont … la première fois qu’il a vu des hommes armés … Léon étreignant un homme prénommé Mirgal … et son père s’exprimant dans une langue inconnue …

Oui, Léon peut conduire Adrien et Polignac chez le Baron d’Aydat. Avec les belles bêtes dont dispose Adrien, des vêtements chauds, les deux hommes pourront accompagner Léon juché sur son baudet sur le chemin des Mulètres à destination des terres de La Cassière …

Après avoir arpenté les terres auvergnates pendant une longue journée, les 3 hommes arrivent enfin en vue des terres de La Cassière … le château est au loin, perché sur une colline, mais en contrebas, au bord d’un lac et à proximité d’une forêt, c’est le village de La Cassière qui est l’objet de toutes les attentions de Polignac qui insiste pour y faire un détour afin d’en apprendre un peu plus sur le baron local. Après avoir convaincu ses compagnons, il assiste à un bien étrange spectacle : perché sur un calvaire, un moine, tonsuré et attifé d’une longue barbe, harangue une foule composée des paysans locaux qui boivent les paroles de ce personnage qui tient un discours pour le moins inquiétant … « Hordes de Belzébuth ! » … Ceci n’effraie pas le moins du monde Polignac qui s’approche … et qui, avec un aplomb sans faille, invente une histoire qui ne révèle pas la vraie identité des aventuriers, et ce, afin de tirer les vers du nez du Frère Aymar – car c’est ainsi qu’il se prénomme. C’est un « minime » qui mentionne Guillaume du Prat, l’évêque de Clermont, la relique de Saint-François de Paul … mais qui malheureusement ne livre aucune information sur Étienne et qui fait carême : il refuse le vin que lui offre très généreusement Polignac …

Les trois hommes, se remettent en route vers le Château de Murol, où réside de La Cassière et à la nuit tombée, arrivent enfin aux portes de l’édifice. Le pont-levis baissé, les gardes, il semble n’y avoir plus aucun obstacle à leur rencontre avec l’illustre parrain … mais les surprises ne sont pas terminées : une partie du château est délabrée et … la première personne qui les accueille se contente de grogner lorsqu’ils se présentent … Ce colosse, qui mesure à vue d’œil 1m85, vouté comme un vieillard, vêtu d’un grand manteau noir bouclé, d’un pantalon effiloché, de sabots, d’un chapeau noir très large et armé d’un gros sabre marin les mène sans un mot à l’intérieur du donjon.

Mais c’est bien l’intérieur du donjon qui leur offre la plus curieuse de toutes les découvertes de la journée : une pièce sombre, pourvue d’une immense cheminée où cuisent des poulets sur des broches, où deux femmes rient aux éclats, où deux musiciens font jaillir d’instruments inconnus une musique jamais entendue des 3 protagonistes … et où le maître des lieux leur tourne le dos.

Cheveux courts, barbe courte, une fraise blanche sur une tenue noire … l’homme semble marqué par le poids de son âge : un pied dans une bassine, l’autre dans un soulier étrange … Étienne accueille sans se lever les trois voyageurs, et reconnait immédiatement Adrien ! Il souffre de la goutte et c’est ce qui l’a empêché de rendre une dernière visite à François … « Dieu l’a voulu, Inch’Allah ! » … et se tourne rapidement vers Polignac, qui suggère que Mirgal rejoigne son frère Léon aux écuries … Étienne teste immédiatement le niveau de culture et de langues du précepteur … pour son plus grand amusement, celui-ci situe Alger, dont est originaire la musique d’ambiance, en Turquie et semble être assez limité en italien …

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Monsieur de La Cassière (portrait d’époque, collection particulière)

Une fois le divertissement achevé, il utilise une clé qu’il gardait autour du cou pour ouvrir le fameux coffre … qui contient bien 10 ouvrages et quels ouvrages ! 10 éditions florentines imprimées, datées de 1458 et numérotées ! Avec notamment l’Iliade et l’Odyssée en version commentée par Eustache de Thessalonique ! La rareté des livres ne fait aucun doute, même pour Adrien qui ne sait pas lire … et Polignac en est d’autant plus troublé qu’il est censé hériter de l’un des ouvrages … mais prendre un des livres, c’est porter atteinte à l’intégrité de la collection ! Et puis, pourquoi ne pas rester auprès du baron pour profiter pleinement de toute la collection ? Ce d’autant plus que le baron n’y semble pas hostile (« C’est bien Polignac, vous voyez grand ! »), demandant à Polignac s’il fait partie de la Brigade, s’il fait partie de ces hommes qui souhaitent « faire reculer l’ignorance » …

Se tournant à nouveau vers Adrien, il lui annonce qu’ils ont des choses à organiser et qu’il a quelque chose d’important à lui confier … mais fourbus par le voyage, les hommes décident de remettre au lendemain la suite des opérations … et d’aller se coucher … le baron ne leur offrant pas l’honneur de dormir dans son lit que parce qu’il souffre de la goutte …

A suivre …

Lamont&Polignac, part deux

mont auvergne

La noël…

Un manteau de tristesse, noir comme le suif, semble s’être abattu sur le domaine. Chacun pleure Monsieur, que l’on vient de mettre en terre. L’aîné noie sa tristesse dans les tavernes alentour, mais n’a-t-il jamais fait autre chose ? Le puîné, Adrien, qui se conforme chaque jour un peu plus à l’idée que je me fais de l’honnête homme, n’a pas versé une larme au cimetière. Mais le vrai chevalier Lamont, c’était lui, bien sûr…

Depuis, l’ambiance est morose, et la même idée nous trotte dans la tête à tous les deux. Qu’a voulu dire Monsieur ? Quels sont ces dix livres de Grec à remettre au parrain d’Adrien, alors que – je m’obstine à les compter tous les jours – il n’y en a que 3 dans la bibliothèque. Au bord de la folie, j’ai failli la démonter l’autre jour. Mais j’ai vu par la fenêtre Adrien en grande conversation avec le Léon et la Madeleine, et j’ai vu que c’était grave. Les domestiques, semble-t-il, se soulageait d’un grand poids. Et évidemment, c’était cela : les livres sont là, sous nos yeux, dans le coffre de voyage de Monsieur, et oui, Léon peut nous conduire à M. de la Cassière, à une bonne journée de cheval, au delà de Murol.

On nous prépare des chevaux, et nous voilà partis dans une belle matinée d’hiver. Glaciale mais belle. Enfin, c’est ce que pensent les paysans d’ici.

Après avoir grignoté un oignon et une miche de pain, nous repartons et arrivons au crépuscule pas loin de la Cassière. Et assistons à un curieux spectacle : une bande de paysans écoutent avec attention un prédicateur à longue barbe noire, un moine. Je me méfie de cette engeance, l’ayant parfois fréquenté à l’école. L’homme ne prêche pas, il éructe. Belzebuth, l’Apocalypse selon St Jean, le fatras habituel pour les sots incapables de trouver suffisamment de force aux évangiles, et dans la parole simple mais pourtant terrible, de notre seigneur Jésus Christ. Mais j’enfile ma cape de mensonge, et me présente sous le meilleur auspice.

L’homme, ravi de trouver un auditoire de qualité, me prévient de tous les dangers imaginables puis suite à d’habiles questions je l’interroge sur La Cassière. Mais je n’apprends malheureusement rien d’intéressant…

Lamont&Polignac, le récit : Episode 1

22 décembre

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Fichu hiver 61. Voilà des semaines qu’il neige tous les jours sur ces maudits Monts d’Auvergne. Il me semble déjà avoir oublié qu’ils étaient verts, après l’Assomption, quand je suis arrivé au service de Monsieur de Lamont.

Ce n’est pas tant que je les regrette, ces volcans, c’est plutôt la chaleur de la ville qui me manque. Le parfum des femmes. Le vin à volonté. Il y a bien Clermont, mais trois journées de marche – si tant est qu’on me les eut données – pour boire dans une échoppe, c’est beaucoup.

Si seulement j’étais submergé de travail, mais ce n’est pas le cas ! Voilà six mois que je suis le précepteur attitré de Gauthier de Lamont. Et en ces six longs mois, je ne suis pas sûr qu’il ait ouvert un seul des livres que je lui ai recommandés.

J’espère que ce journal ne sera pas ouvert par Monsieur de Lamont car j’affirme ceci : son fils est un butor, un vilain chasseur et un coureur de gueuse, qui mène le domaine à sa perte. Mais Gauthier est l’aîné des Lamont, son père l’aime, et surtout, cela ne me regarde pas.

J’aurais préféré, tiens, donner quelques cours de grec à son jeune frère Adrien. Un garçon impressionnant de taille comme d’esprit – mens sana in corpore sano -, aussi membru que je suis anémique, aussi viril et rapide que je suis empesé. Voilà seulement quelques jours que nous nous connaissons, et pourtant je le préfère à son frère, que je fréquente depuis août.

Enfin fréquenter est un bien grand mot, car Gauthier n’est jamais là. Aujourd’hui encore, Monsieur a envoyé Adrien à sa recherche, et tiens, d’ailleurs, le voilà qui rentre… La poche vide. Point de Gautier.

Je lui offre un verre de vin chaud pour sa peine, quand il m’assomme avec une soudaine révélation :

– « Gautier est en terrain de tuer mon père, Polignac ! Mon père se meurt, ne le voyez vous point ??!! »

Il est vrai que Monsieur est souvent alité ces temps ci, mais par ce climat, à vrai dire…

J’ai à peine le temps de retourner ces pensées dans mon esprit, chercher quelque explication médicale dans mes cours de chirurgie de la bonne faculté d’Orléans, que voilà le Léon, rougeaud et sale, qui frappe à la porte. « Monsieur vous demande », dit-il à Adrien. « J’ai peur que ce ne soit très grave », ajoute-t-il, ôtant son couvre-chef.

Ces paysans, je les connais comme ma poche, de la Beauce ou du Cantal, ce sont les mêmes, ils voient le destin jaillir à chaque coin du champ de blé. Mais là, un étrange pressentiment me serre le cœur  Nous bondissons à l’étage, ou Monsieur est au lit. Au passage, nous croisons Annette, la fille de la maison, un bassin plein de morve et de sang. Je me signe comme dans un réflexe, car mon âme a compris ce que mon cerveau nous voulait point voir.

– « Ah mon Adrien, dit le vieil homme, te voilà ! Et vous Polignac, approchez ! Mon fils, il est temps de se dire les choses importantes. J’ai eu une belle vie, et mes jours sont désormais comptés. Je ne regrette rien, vraiment. Tu le sais, le domaine reviendra à ton frère. Mais j’ai une dernière action, de la plus haute importance, à te confier. J’ai mes livres, en bas, dans la bibliothèque. Je veux que tu en donnes un à Polignac, et les autres, je veux que tu les donnes à ton parrain, de la Cassière. »

Le fils, courroucé mais pourtant ferme comme je ne l’ai pas encore vu, tente une pique.

– « Ces livres, mon père ne reviennent-ils pas de droit à Gauthier? »

A l’idée que le Butor s’empare de Virgile, des Nuées d’Aristophane, Les Catilinaires de Cicéron et Les Saturnales de Macrobe, ainsi que de la Sainte Bible de Nuremberg, provoque un irrépressible hoquet. Ignorant toute convenance, je ne peux m’empêcher d’éclater d’un rire nerveux.

Mais non. Lamont insiste. « Non, c’est à ton parrain que je te demande de les porter, c’est la dernière chose que tu feras pour moi. » Puis Francois de Lamont, d’un geste las, nous congédie.

Nous échangeons un regard, Adrien et moi, renonçant à nous expliquer de vive voix sur ces mystérieuses dernières volontés, et plongeons dans nos pensées. Silencieux, je jette un regard à travers la fenêtre. Le domaine des Lamont est toujours là, recouvert d’un épais manteau blanc qui semble prêt  à l’engloutir.

Et brusquement, la neige cesse de tomber.

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