Planet Arrakis

Jeux de rôle, jeux de plateau, prenez ce qui vous plait…

Archive pour JdR

Dune sur Radio Rôliste

« Tenter de comprendre Dune sans connaitre ses projets de films inachevés, les sequel du fiston mal écrites, les règles de jeu incompréhensibles, c’est tenter de voir la Vérité sans connaître le Mensonge. C’est tenter de voir la Lumière sans connaître les Ténèbres. Cela ne peut être. »

A l’occasion de la sortie très attendue du Dune 2 de Denis Villeneuve, Lam Son de Radio Rôliste m’a gentiment invité en compagnie de deux experts d’Arrakis (Dorothée qui mène une campagne Modiphius et le grand Khelren lui-même, auteur, entre autres, de Dominion) à parler Epice, Gom Jabbar, et plis de l’espace. On discute des spécificités de l’incroyable univers d’Herbert, du livre et de ses suites, des films, et surtout bien évidemment des jeux de rôles qui se sont attaqué à la tête. Bonne écoute !  

L’émission de Radio Rôliste

Dominion, jeux de pouvoir et maisons nobles, de Khelren
Imperium, le jeu de rôle amateur d’Olivier Legrand

Dune, Adventure in the Imperium édité en Anglais par Modiphius et en Français par Arkhane Asylum Publishing
Dune, Chronicles of the Imperium (JDR collector de Last Unicorn Games)

Apocalypse World – Chronique d’Atika

Bande de nazes.

Vous croyez que j’avais rien capté de qu’est-ce qui s’était passé à Atika, depuis que les guignols, Max et le Snake, s’étaient pointé comme des racailles et foutu tout le bordel qu’on sait dans la Comu ? Démasquer Zain, virer le bon vieux Slash, pis La Taulière elle-même ?  

J’avais rien dit mais j’oublie rien. Jamais. Tout est là. Y’a qu’à regarder.

Dune – Chronique de la Maison Hoffen Zeller

Un commencement est un moment d’une délicatesse extrême… Quand mon père Shaddam IV, Padishah-empereur de l’Univers Connu, décida de confier à la maison Hoffen Zeller, l’arbitrage d’Arrakis, je me résolvais à prendre mentalement des notes, me doutant qu’il faudrait un jour que quelqu’un raconte cette histoire extraordinaire. En effet, depuis un siècle, les Harkonnens possédaient le fief de Dune, et assuraient, certes avec une violence extrême, le bon approvisionnement du Mélange. Pourquoi mon père, qui ne portait pas le Duc dans son cœur, avait-il décide de donner Arrakis aux Atréides, les pires ennemis du Baron ? Et pourquoi diable avait-il confié le soin de l’Arbitrage du Changement à la Maison, certes honorable, mais mineure, des Hoffen Zeller ?

Voici donc, gravé sur shigraville, la chronique de la première année de la Maison sur Arrakis. Comment elle tenta de résoudre ses problèmes de succession familiale, tout en arbitrant au mieux le passage de témoin entre les Harkonnens et les Atreides…  

Bilan 2022

Virtù, la révélation 2022

Pas eu trop le temps de faire un Bilan sur 2022, mais le voici pour les stats :

JDR : 50 parties

4 M Space, 7 Apocalypse World, 4 Game Of  Thrones, 9 Warhammer, 6 Dominion Hoffen Zeller et pour la Maison  Corleane, 2 Shadowrun Anarchy, 7 Pendragon, 1 For the drama online “Pour l’Empereur”, 5 Berlin La Dépravée  3 Planet Terror

JDP : 19 parties

Virtu 1, Dune imperium 4, Skull 3, Dune jeu de conquête  1, Anno1800 1, Lifeboat 1, For the drama carte « Un casse de trop » 2, Citadelles 1, Kremlin 1

On fera mieux l’an prochain !

Pourquoi vous devriez essayer l’Apocalypse, now ?

Depuis 13 ans, Apocalypse World, l’intuition géniale de D. Vincent et Meguey Baker, a enfanté une génération entière de jeux « propulsés par l’Apocalypse ». Le Commandeur des Croyants, toujours prêt à lancer un Jihad à gauche ou à droite, est longtemps passé à côté du phénomène jusqu’à ce que le Duc de Nouméa ne lance une partie séminale de Monster of the Week. L’ironie étant que cette partie, très bien masterisée, a beaucoup plus plu à votre serviteur qu’à notre Duc, qui – selon ses propres dires – « aime jeter un peu plus de dés que ça !! »… On ne se refait pas.

Mais pour sa part, après une trentaine de parties masterisées (Monster of the Week, Dominion, Apocalypse World), Paul Moud Ubid se croit en mesure d’expliquer pourquoi il est tombé amoureux de ce système de jeu(x).

Si les jeux PbtA possèdent désormais de nombreuses variantes (avec ou sans MJ, avec ou sans dé), ils reposent pour la plupart sur 3 principes très forts.

1, jouer pour voir où ça nous mène.
C’est-à-dire ne pas suivre un scénario, ne pas résoudre une énigme. Au contraire, faire émerger l’histoire en fonction des actions des personnages…

2, être fan des personnages/poser des questions comme un malade
L’objectif est de faire émerger la partie par les joueurs. Si les joueurs sont censés construire un peu l’univers dans les jeux traditionnels, cela dépasse rarement la création du background initial de son seul personnage. Ici, c’est une invitation très forte à le faire et surtout, à continuer à le faire tout au long des parties… Et ce n’est pas complétement – nous y reviendrons – de la « narration partagée »…

3, quand on dit quelque chose, on le fait
En clair, cela veut dire que le personnage agit, et qu’on lance les dés ensuite pour voir les conséquences. On ne tente pas de faire quelque chose en demandant l’autorisation à un jet de compétence. Cette différence, qui semble subtile, est en fait fondamentale. Le personnage agit, personne ne peut l’en empêcher, mais il peut y avoir un prix à payer. On parle donc de Manœuvre (« Move« ), plutôt que de Compétence. Il y en a peu, et elles sont très génériques…

On le voit, ces principes ne sont pas tant d’une révolution qu’une théorisation intensive, qu’une formalisation très précise de notre pratique. Pour un vieux briscard comme moi, il y a plaisir à voir qu’Apocalypse World tire parti de l’expérience accumulée des rôlistes.

Intégrer 50 ans de jeu de rôle
La posture initiale du JDR, c’est – si on schématise un peu – une pseudo relation SM. Le Maître de Jeu, omnipotent et omniscient (fait semblant de) connaître parfaitement les règles. Il martyrise ses Joueurs (pour de faux) et fait semblant, la plupart du temps, de vouloir les tuer.

La réalité est tout autre : le Dungeon Master les gave en réalité d’or et de victimes, d’épées magiques et de fioles de soins. Les XP coulent à flot, dans le but de monter le plus haut niveau possible. Comme dans les jeux de l’enfance (Cowboys et Indiens, Gendarmes et Voleurs), on joue à se faire peur. Pour de faux. Mais les joueurs finissent toujours par triompher.

De sorte que ces jeux sont écrits ainsi. « Punissez les joueurs » lit-on par exemple dans la Campagne Impériale. « Soyez implacables », dit L’Appel de Cthulhu. Mais comme le disait aussi Gary Gygax : les dés servent surtout à faire du bruit derrière l’écran. Donc, le MJ compense en permanence : un dragon trop fort ? On baisse ses PDV… Une tâche trop ardue ? On donne un bonus… Un personnage mourant ? Une fiole de soin se trouve dans le coffre de la Liche. On a perdu la piste de l’intrigue ? Jet de Perception…

Un investigateur cherche la suite du scénario grâce à un jet de Perception réussi…

Apocalypse World a digéré tout cela. Puis il l’a recraché, pour repartir à zéro en proposant exactement le contraire…

MJ sans dés : le joueur maître du jeu
Les Baker ont d’abord interdit au MJ de lancer des dés : impossible, désormais, de modifier ce jet derrière l’écran. D’ailleurs, il n’y a plus d’écran ! Manœuvre du joueur + Carac, un point c’est tout. On lance 2d6. Si l’on fait plus de 10, c’est Réussi. 7 à 9, c’est Réussi avec conséquence négative. Moins de 6 : c’est Raté avec conséquence négative. Pas de bonus, pas de bidouillage pour atténuer les conséquences. Le joueur est Maître du Jeu, pourrait-on dire. Cela fonctionne particulièrement en combat, où l’affrontement est remis à sa vraie place narrative.

Des combats narrativement corrects (enfin !)
Dans la vie ou dans un roman, un héros tue rarement un garde pour s’introduire dans un château… il cherche avant tout à s’introduire dans le château ! Mais dans le jeu tradi, la solution la plus simple est souvent de tuer toute opposition. Les jets pour assommer ne sont pas clairs, on n’est pas sûrs de réussir son jet, etc. Là aussi, les MJs améliorent souvent les règles tradi (en n’en tenant pas compte, la plupart du temps !) Dans les PbtA, les règles prennent le problème dans le bon sens, c’est à dire celui de l’action. Que veut le joueur ? Neutraliser le garde en l’assommant ? En le convaincant de se taire ? En le menaçant de mort ? En le tuant, vraiment ? Vous l’annoncez puis vous lancez les dés. Mais attention, ce n’est pas parce que le MJ ne lance pas de dés que le PNJ n’agit pas ! Exemple, à Dominion, les options sont les suivantes pour la manœuvre AFFRONTER UN ADVERSAIRE :

  • Réussi : le garde s’incline (ou vous lui infligez des dégâts)
  • Réussi avec conséquence négative : le garde est neutralisé à condition de RESTER DE MARBRE (une autre manœuvre qui peut par exemple blesser le PJ), ou encore : le PJ inflige et subit des dégâts
  • Raté : le garde n’est pas neutralisé, il peut donner l’alarme ; le PJ inflige et subit des dégâts

La différence est claire : dans tous les cas, le PJ obtient quelque chose, mais pas forcément ce qu’il souhaitait.

Des points de vie et des blessures réalistes
Les PbTA gèrent efficacement les souffrances des personnages, des PNJ et des monstres, reprenant des innovations qui datent, par exemple, des « Etats » de Vampire (1991). Face à l’accumulation D&D, aux PJs à 50 points de vie qui prennent des dégâts pendant une demi-heure avant d’envisager une retraite glorieuse, les PbtA proposent en tout et pour tout 6 PDV, quel que soit le personnage (PJ ou PNJ). Et fixe des dégâts par arme : dague 1-dégât, pistolet-2 dégâts, chute-3 dégâts, etc.) Ce qui signifie que la comptabilité des points de vie n’est plus un sujet, mais l’état du PJ, si. Et ils proposent donc des conséquences réalistes : blessures, humiliations, mutilations, selon le genre du jeu…

Ah le bon vieux temps où les gold pieces, les points de vie, et les épées vorpales coulaient à flots !

Une gestion de l’expérience lié aux personnages
Plutôt que de baser l’expérience sur l’accumulation de morts (nombre de monstres tués à D&D), sur la bonne résolution de l’intrigue (Warhammer) ou sur des bons points accordés au roleplay selon le bon vouloir du Conteur (Vampire), les PbtA proposent de récompenser les interactions entre les personnages (Apocalypse World), l’utilisation de toutes les caracs (AW), ou les échecs (Dominion, Monster of the Week). Au-delà des implications philosophiques que cela suppose (D&D pouvant être considéré comme un jeu capitaliste (on s’enrichit, et plus on est riche, plus on est riche)) ou scolaires (récompenser la bonne gestion du scenario à Warhammer), il est intéressant de voir que les PbtA récompensent la « Bonne histoire ».

Mais qu’est-ce qu’une bonne histoire ? C’est une histoire qui respecte le genre. A Apocalypse World, on joue des barbares sans foi ni loi, qui tentent de survivre dans un monde desespéré. A Night Witches, des femmes qui tentent de survivre également, entre l’horreur de la guerre et la dictature stalinienne, mais qui auront aussi des histoires d’amour. A Dominion, des aristocrates qui se battent pour sauvegarder leur honneur et leur Maison. Tous ces jeux incitent (et récompensent) le play-to-lose, ce mode de jeu contre-intuitif qui pousse le joueur à se mettre en danger dans le sens de la fiction, c’est à dire la tragédie. Par exemple, à Dominion, quand une courtisane voit sa beauté faner, elle gagne des points… A Apocalypse World, Big Bill en fait autant s’il connait mieux Zarga, la Taulière, en couchant avec elle…

Dame Jessica ou Zarga,
deux salles, deux ambiances…

Ces points s’échangent contre une progression, elle aussi, logique : gagner d’autres Manœuvres, augmenter une Carac, changer de métier, ou même gagner un deuxième personnage !

Des compétences sociales enfin jouables
La gestion des compétences sociales était jusque-là un sujet maudit. Le joueur faisait un magnifique discours pour lancer sa Compagnie de l’Anneau dans la Moria, puis il fallait lancer les dés, et patatras ! Raté, tout le monde rentrait dans la Comté… Jusqu’au Jet de Trouver Objet Caché soudainement exigé par le MJ.

La Comté, 700 bornes ?
Et en passant par la Vieille Route de l’Ouest ?

Les jeux PbTA inversent le paradigme, même s’il s’agit toujours de séduire, ou de manipuler. Mieux, il permet de le faire entre joueurs… Ce qui fait la différence, c’est qu’il y a toute latitude d’accepter ou de refuser.

Ainsi, à Dominion, la manœuvre PERSUADER est ainsi décrite :

  • Quand vous voulez forcer un interlocuteur à faire ce que vous voulez, expliquez ce que vous essayez d’obtenir de lui, et lancez 2d6+finesse.
    • Sur 10 ou plus, votre interlocuteur doit céder, au moins pour l’instant, ou vous donner l’ascendant.
    • Sur 7-9, votre interlocuteur peut vous donner quelque chose d’équivalent, à la place de céder.

Un PJ peut toujours refuser : il doit alors utiliser la manœuvre RESTER DE MARBRE. S’il rate ce jet, il peut devenir, selon le contexte, « honni »,
« fébrile » ou « maudit » (et perdre momentanément des points de Carac). On le voit, tout est géré : le libre arbitre du PJ ou du PNJ, mais aussi l’impact de sa décision.

Donnez-leur ce qu’ils veulent… et emparez-vous de ce à quoi ils tiennent !
Cette perte de contrôle, souvent évoquée par les MJ débutants en PbtA, n’est en fait qu’une illusion. Si l’on donne la main aux joueurs sur la création du monde, cela n’est pas sans supervision. Ainsi, dans mes 3 parties de Dune-Dominion, j’ai laissé mes joueurs créer leur Maison en toute liberté, tout en posant des garde-fous pour mon canon esthétique d’une aventure Dunienne. En l’occurrence, les joueurs dirigent une Maison chargée d’assurer le rôle d’Arbitre du Changement entre Atreides et Harkonnens. J’ai donc interdit la création d’une Maison puissante (pour les mettre en infériorité face aux deux autres Maisons), j’ai interdit des personnages Bene Gesserit, Ixiens ou Tleilaxu, qui leur auraient donné des leviers trop puissants.

En donnant la main aux joueurs, en leur accordant (presque) tout ce qu’ils veulent, on crée en réalité des opportunités de jeu, de conflit, de drama ! Tu veux une épouse très belle ? Elle te trompera avec ta sœur ! Tu veux une grosse bagnole, façon Interceptor ? Tu te la feras piquer !! Tu diriges la plus grande mafia de l’univers, avec une connexion avec la Guilde ? Une faction adverse se prépare à te déloger de là…

C’est le génie machiavélique des PbTA : les joueurs génèrent eux-mêmes leurs ennuis futurs. Que ce soit organisé par le jeu (Night Witches, Dominion) ou que cela se génère à la volée (Monster of The Week, Apocalypse World), les choix des joueurs font émerger des histoires paradoxalement solides, si l’on s’attache à bien les écouter et rebondir sur leurs idées. Il y a plus de bonnes idées dans cinq cerveaux que dans un seul. Et ces idées sont plus solides à leurs yeux, puisqu’ils en sont les inventeurs : « je l’avais bien dit, je l’avais prévu ! »…

***

On le voit, les PbTA tournent une page très importante du jeu de rôle. C’est à la fois la synthèse de 50 ans d’expériences cumulées de millions de joueurs, de milliers de jeux, de centaines de concepteurs. C’est aussi un virage, fondamental, de notre pratique : sortir du berceau wargame (arbitre « dur » et « impartial ») pour entrer, en adulte, au royaume des conteurs…  

Dans les année 90s, on parlait du jeu de rôle comme le 10ème art : et si c’était maintenant ?

Donjons & Dragons : Le déshonneur d’Hasbro

J’ai trouvé une licence mais je ne sais pas quoi en faire…

Né du croisement improbable de la littérature de Fantasy* et du wargame napoléonien avec figurines, ce loisir était – quand nous l’avons découvert au début des années 80 – dans sa plus tendre enfance.

On créait un personnage sur une feuille de papier, en lui attribuant des caractéristiques chiffrées (sa force, son intelligence…), et on partait explorer des « donjons », sa plus simple expression ludique. Explorant virtuellement un ensemble de couloirs souterrains, nous y tuions à coup de dés le plus de monstres possibles… 40 ans plus tard, le Jeu de Rôles a bien évolué. Comme toute forme d’art, il a mûri. Des dizaines d’univers, des centaines de scénarios, bien plus subtils qu’une simple exploration de souterrains, ont été produits et joués. Et aujourd’hui, on incarne un personnage, on lui donne un passé, des dilemmes moraux : c’est un véritable personnage de fiction…

Tout ce que ne fait pas – somme toute – Donjons & Dragons, le film. Au-delà d’être un patchwork kitsch particulièrement laid, L’Honneur des Voleurs est une histoire ultra classique, sans personnages ni émotions. Des voyous à la ramasse, pitchés en une phrase (le père de famille négligent, la barbare en rupture de ban…) se retrouvent à lutter contre un mal antique qui veut détruire l’humanité… aka le scénario Copytop des studios hollywoodiens (Marvel & Co.) depuis des années…

Sur le plan visuel, pas mieux. En cela, le film respecte le matériau original : D&D a toujours été graphiquement atroce. Cinq éditions et quarante ans plus tard, il est toujours aussi laid : guerriers cheveux en brosse de quarterbacks texans, sorcières MILF peroxydées, châteaux dessinés par Disney… Normal pour un pays qui n’a jamais vu de châteaux forts… Le film fait de même en mélangeant allègrement des Marie-Antoinette, des Martin Luther et des épées antiques à la Conan le Barbare : tout ça est, pour les américains, est médiéval !

Mais le pire reste à venir : l’omniprésence du fan service, même pour le fan qu’est le Professore. Que le film cite visuellement des monstres (Mimic, Displacer Beast, Cube Gélatineux…), ou des objets magiques iconiques (Bag Of Holding , Horn Of Beckoning Death, Helm Of Disjunction…) fait plaisir. Mais le fan service sature littéralement les dialogues. Un name dropping totalement insupportable : Mordenkainen, Neverwinter, Baldur’s gate, etc., on cite même des règles du jeu…

Tout cela donne l’impression d’un gâchis (qui n’est pas immense, parce qu’on n’en attendait pas grand-chose), mais un gâchis tout de même. C’est mieux que le premier film de 2000, bien sûr, mais ça reste très loin de Game of Thrones, ou même de licences plus kitsch comme The Witcher ou Conan.

Et c’est dommage, car il y avait de la matière. D’une part, la partie comique est assez réussie, avec 2 ou 3 scènes cultes, et toute une série de blagues tongue-in-cheek pour initiés… Mais doublement dommage car Donjons & Dragons, le jeu, aurait pu s’appuyer sur les scénarios qui servaient de support à nos parties. Ces « modules » proposaient de belles aventures, mille fois plus originales que la lutte éternelle contre le grand méchant**… Hasbro n’avait qu’à se baisser pour les ramasser…

*Le Seigneur des Anneaux de JRR Tolkien, le Cycle des Epées de Fritz Leiber, Elric de Michael Moorcock, Conan le Barbare de R.E. Howard, Terremer, de Ursula Le Guin…

** The Sinister Secret of Saltmarsh, où un repaire de pirates mène à complot d’homme-lézards
Castle Amber, où l’on explore la maison hantée d’une antique famille
The Secret of Bone Hill/The Assassin’s Knot, où l’on explore une ile pleine de mystères et où l’on résout un meurtre étrange
The isle of Dread, où l’on explore une ile peuplée d’antiques créatures
Expedition To The Barrier Peaks, un donjon qui se révèle être… un vaisseau spatial

etc.

Chronique publiée également sur CineFast

Des aides de jeu pour Dominion, le Dune-like PbtA

« Dieu a créé Arrakis pour éprouver le fidèle »

Commandeur des Croyants, Ombre de la Souris dans la Deuxième Lune, Usul, le Pilier de la Sagesse, Paul Moud’Ubid cherchait depuis longtemps à jouer dans Dune. Mais se posait toujours la même question : qui jouer ? Incarner Paul ou les autres héros de Frank Herbert semblaient être un corset bien trop serré pour les joueurs. Jouer leurs amis, concubins, aides de camp restait encore problématique. Et comment jouer la prescience ? Et jouer à quelle époque ? Avant Dune, pendant Dune, après Dune ?

Et puis j’ai découvert les PbTA, via Monster of the Week et l’ami Go Tyborg, et quelques mois plus tard, je découvre le projet de Khelren, Dominion, que je backe immédiatement. Dominion n’est pas Dune, mais il pue l’épice par tous ses pores : Liga Mercatoria, Digipuncta, et autres boucliers énergétiques…  

Plein d’excitation, j’ai lancé ma première partie en 2021. Mon pitch : la Maison des joueurs est désignée comme Arbitre du Changement juste avant le début de Dune, au moment où les Atréides récupèrent Arrakis. Cette position neutre permet de sortir des rails que les joueurs connaissent, les Atréides ne sont peut-être pas si gentils, les Harkonnens peut-être pas si méchants ; à eux de voir. Mais surtout, la Maison des Joueurs peut aussi décider de jouer sa propre carte.

La Maison Hoffen Zeller : « Honneur, Courage, Gloire ! »

J’ai lancé ma première partie avec une bande d’amis tout aussi enthousiastes sur l’univers que pas très chaud sur les PbtA. Mais avec la promesse de faire demi-tour le cas échéant, la première partie « création de la Maison » les a convaincus. La Maison Hoffen Zeller est née.

Une deuxième partie a même été lancée avec un autre groupe. La Maison Corleanne s’apprête à ravager la galaxie.

La Maison Corleanne : « Mille Vaisseaux, Cent Planètes, Une Famille »

Il semblait intéressant de mettre à disposition toutes les aides de jeu qui « traduisent » Dominion en Dune : the PbtA ! N’est-ce pas, après tout, la vocation de Planet Arrakis ?  

Pour les joueurs :

Une bande-annonce pour le fun

Dune présentation des règles : un PowerPoint pour présenter les règles de manière simple (plutôt pour les joueurs)

Dune présentation DM, synthèse plus large, plutôt DM que joueurs, en particulier le combat, du simple duel au combat de masse). Il y a aussi (p23), les traductions des objets de Dominion dans l’univers de Dune

Dune Univers : un PowerPoint pour présenter l’univers aux gens qui ne connaîtraient pas

Comment choisir son personnage : un simple copier-coller de Dominion à transmettre aux joueurs (surtout utile à ceux qui connaissent Dune, et pas Dominion) 

Pour le DM :

Un fichier Excel pour suivre les Privilèges et les Budgets notamment dans le cadre d’une construction d’armée, de déplacement de la Guilde, etc. Intéressant uniquement si vous souhaitez mettre la pression sur vos joueurs en termes de moyens financiers. (à ce sujet voir mon article sur Planet Arrakis)

Trombinoscope : un PowerPoint très utile où je colle toutes mes idées de maison et de PJs (issues de Pinterest : https://www.pinterest.fr/Prludovico/dune/), et que je montre en cours de partie. C’est le plus gros travail à faire dans les PbtA, pour être toujours capable d’improviser un PNJ (visuel, nom, Maison…)

Rapport de la Guilde sur Arrakis : une aide de jeu à transmettre aux joueurs quand ils commencent un peu à s’intéresser à leur futur terrain de jeu (que les PJs peuvent avoir obtenu, volé, acheté…)

Les comptes à rebours que j’ai fait pour les 2 familles (Hoffen Zeller et Corleane). Toujours ce qu’il y a de plus difficile à appréhender pour les DM débutants en Apocalypseries… Si ça peut servir, j’ai beaucoup peiné dessus !

« Qui ne gaspille pas trouve toujours« 
Enseignement fremen

Uwain le Juste, un personnage pour Pendragon

Une Vie Bretonne,
compilée par Uwain le Juste

Newton, bien après minuit, 485 années après que notre seigneur Jésus-Christ vint délivrer les hommes…

En ces heures tragiques que vit le Royaume, il m’a semblé qu’il en fallait tenir la chronique, pour que nos descendants n’en commentent point les erreurs. C’est pourquoi je couche ici, profitant du don de l’écriture que m’a transmis mon père, l’histoire de ma famille.

Cadwallon, mon arrière-grand-père était né en 410, la dernière année où la Bretagne fit encore partie du Grand Empire. Le Royaume de Bretagne était attaqué de toutes parts ; les nobles firent appel à l’Empereur, qui les laissa se débrouiller seuls. Comprirent-ils ce jour-là que même les empires étaient mortels ? en tout cas, le Conseil des Bretons choisit alors Constantin, qui décida alors qu’un homme sur mille devint Equite. Ce fut le cas de Cadwallon, le premier chevalier de ma famille…

En 431, son fils Neddig, fut adoubé par notre gentil comte, Reginald de Salisbury ; et à la mort de Cadwallon, sa gloire immense rejaillit sur son fils. Mais celui-ci ne se reposa pas sur les lauriers de César, il avait hérité des valeurs de courage et de loyauté et servit le comte, comme son père avant lui.

Ainsi, en 439, Neddig combattit une première fois les saxons à la Bataille de Carlion contre les saxons. Il en conçu une haine des irlandais, qui le répétera-t-il toute sa vie, « ne combattent pas comme des hommes ». C’est également cette année-là que naquit mon père, Blaen.

L’année suivante, l’assassinat de Constantin par un de ses gardes, le félon Cadamar, fut un terrible coup porté aux Bretons, mais aussi à ma famille. Neddig, se jetant sur son agresseur, mourut aussi sous ses coups. Son fils, mon père, n’avait que deux ans.

Vingt ans plus tard, en 460, Blaen fut adoubé par le comte Reginald de Salisbury, toujours en vie.

Mais le roi Vortigern qui avait succédé à Constantin, (après l’assassinat du fils de Constantin) n’était pas de la trempe de ses prédécesseurs. Il pactisa sans honneur avec les saxons et se maria même avec une de leurs princesses, comble d’infâmie ! Nous bretons, ne l’acceptèrent pas. Une rébellion, menée par Reginald de Salisbury, conduit à la bataille de Cambridge.

 En 463, une assemblée à Stonehenge sembla apaiser les tensions. Mais ce n’était qu’un piège, qu’on appela ensuite la Nuit des Longs Couteaux ; les chevaliers bretons furent lâchement assassinés dans leur sommeil.  Le comte Reginald de Salisbury fit partie des victimes, mais Blaen arriva à s’en sortir, en fuyant déguisé en femme.

Appauvri, Blaen voulut néanmoins fonder une famille et se maria à Heledd, fille d’un chevalier sans terre. Je naquis l’année suivante. Cette année-là, Vortigern et les saxons dépouillèrent la Bretagne sans vergogne, en demandant tribut. Blaen refusa et attendit les ordres de son suzerain, le comte de Salisbury.

Au milieu de ce genre de situation, où le désespoir l’emporte souvent sur l’espoir, une lumière s’alluma alors dans les ténèbres. Aurelius Ambrosius, deuxième fils de Constantin, débarqua d’Armorique avec son armée. Il déploya sa bannière, et il y avait dessus un dragon rouge. Tous ceux qui haïssent les saxons rejoignirent volontiers cette bannière. Mon père en fit évidemment partie, combattit au siège de Cralion, jusqu’en Cambrie, et au mont Snowden. Lors de cette grande bataille Vortirgern fut enfin tué pour toutes ses infâmies. Aurelius Ambrosius fut élu Haut Roi par le Conseil des Bretons, et prit le titre de Pendragon, « le Grand Dragon » …

Les années suivantes virent de nombreuses attaques saxonnes, pictes, irlandaises. En 473, Blaen participa ainsi à la bataille de Windsor, qui renforça sa haine des saxons. En 477, Aell, Grand roi saxon débarqua dans le sud de la Bretagne qu’il conquit et baptisa la Saxe du sud.

Mais Aurelius Ambrosius contrattaqua et construisit une flotte pour repousser les invasions : les bretons débarquèrent en Frisie. Mon père, se battit jusque là-bas, aux côtés d’Aurelius.

En 480, à nouveau la traitrise l’emporta sur la loyauté et la miséricorde : Aurelius Ambrosius fut empoisonné, peut-être par un faux docteur. Blaien, immense honneur, participa aux funérailles de du Haut Roi à Stonehenge, et au Collège qui élisit Uther Pendragon, le frère d’Aurelius Ambrosius. Uther leva immédiatement en son nom une grande armée, qui combattit de suite à Eburacum ; funeste bataille où mon père perdit la vie en se couvrant de gloire.

Me voilà donc à vingt ans, héritier de cette longue histoire Kymrique. Serais-je digne de cet honneur ? Je le dois en tout cas, à ma famille, et à Notre Seigneur Jésus Christ.  Qu’il inspire mes pas, encourage ma clémence et ma générosité, et me corrige si jamais je suis injuste en quelque part…

Mais que puis-je faire, depuis mon misérable manoir de Newton ? Je n’ai pas de fortune, à part le vieux bracelet d’or couvert de symboles, dont personne ne peut déchiffrer le sens. Ce bracelet est peut-être aussi vieux que la Bretagne elle-même, mais jamais je ne le céderais à un vendeur ambulant à la recherche de métal jaune.

Mes gens ? Ils me sont fidèles, mais peu nombreux et plus tout jeunes ! Marchlew, vieux chevalier vétéran a connu la moitié de ce siècle et la plupart de ses batailles, mais il souffre du genou dès que l’air devient humide…  Deux jeunes garçons fougueux, Moried et Moren, les jumeaux de mon cousin Ysgarran, sont trop indisciplinés ; ils ont encore beaucoup à apprendre du métier des armes… A cela s’ajoute une quinzaine d’homme en état de se battre.

Heureusement, je peux me confier à Renauld, mon fidèle écuyer occitan arrivé dans les bagages d’Ambrosius. Il a fui Tolosa quand les chrétiens furent persécutés par les wisigoths arianistes. Il est difficile de le comprendre, mais à quatorze ans, c’est un jeune homme dévoué. Et il aime les chevaux tout autant que moi ; Rosier, mon chargeur de guerre, Piqueplume, mon roncin Pissenlit mon cheval de bât sont bien traités. 

Que me manque-t-il, sinon une tendre épouse ? Il me faudrait pour cela un peu de temps, mais la gestion du domaine m’accapare sur les champs, au moulin de Newton, au four à pain…

Nous verrons…

Jehan Montaillou, poète occitan

« Oncques place bien assaillie ne fut, qui jamais ne fut prise… »

En choisissant le métier de troubadour, je savais que ma vie serait exaltante, mais incertaine. Je ne pouvais prédire qu’elle serait, en réalité, totalement certaine.

Je m’appelle Jehan Montaillou. Je suis né il y a longtemps, à Cucugnan, au cœur de cette belle Corbière. Ayant des prédispositions pour le chant, je fus remarqué lors d’une messe où j’étais vox principalis de l’organum. L’évêque de Narbonne me fit rejoindre la Chorégie de Folquet de Marselha. J’avais 13 ans et je passais soudainement de la meunerie paternelle à la Schola Cantorum, de mes odoriférantes Corbières à la puanteur de Narbonne, de la solitude à la multitude.

J’y appris la mélodie, l’harmonie, la jongle et l’art dramatique, le latin et le grec. Bientôt, je tâtais du luth, du psaltérion, du tympanon ou de la vieille, mais je revenais sans cesse au luth. J’y avais des prédispositions, et mes longs doigts fins m’y donnaient avantage.

Je fus vite admis comme premier apprenti, ce qui supposait des charges pénibles (m’occuper de nos montures, du gite et du couvert) mais aussi beaucoup de plaisir. Maistre Vidal se produisait dans les meilleures cours d’Occitanie. Eloges guerriers, ou chastes déclarations d’amour, tel était notre quotidien : nous vivions de belle manière, de château en château. Je ne savais pas que je connaissais là les jours les plus heureux de ma courte vie, car une grande malignité de fortune m’attendait.

L’année où Cœur de Lion partit en croisade, apaisant enfin le Midi, j’étais allé visiter ma tante à Tautavel, et j’y contractais un mauvais rhume. Ma voix s’enrouait, j’avais des fièvres, et aucune des décoctions familiales ne semblait en mesure de me tirer d’affaire. Je pris peur pour ma vie. En désespoir de cause, ma tante m’urgea d’aller quérir conseil à la Sorcière. C’était une recluse qui vivait au-delà du Puig Burgat, dans la Montagne Noire. Seule dans un pli de schiste, elle soignait les maux du corps comme ceux de l’âme ; elle avait sauvé la jambe – et probablement la vie – de mon cousin Perrotin.

Muni d’une simple canne, d’un poulet gras et d’une bouteille de vin rosé au romarin comme cadeau, je grimpais la montagne. Et je la vis. Je m’étais attendu à une vieille bique édentée, furonculeuse au nez crochu. C’était tout le contraire ; elle était étonnement jeune, rousse et belle. Sa peau était pâle comme du vélin. Son front, orné d’un étrange bijou, vert ou ocre suivant la lumière. Je ne remarquais en revanche aucun parfum. Elle ne puait pas non plus, malgré la grande pauvreté de sa grotte. Elle ne dégageait en fait aucune odeur, et son regard, malgré sa grande beauté, était inquisiteur, et mauvais.

Sans aménité, elle me fit entrer dans sa grotte et raconter mes malheurs. Puis, à sa demande, je m’étendis et me déshabillais. De douces rêveries érotiques s’emparèrent de moi. Je m’exécutais comme dans un rêve. Presque malgré moi, je fixais son regard.

La Sorcière

Elle se pencha vers moi et je fermais les yeux. Ses lèvres touchèrent mon cou. Après l’immense douceur de ses lèvres froides, je fus envahi d’une douleur atroce. Un éclair de glace me transperçait, suivi d’une extase absolue.

Je me réveillais longtemps après. La nuit était tombée et j’étais pris d’une faim atroce. Elle le savait et avait préparé pour moi quelques lapins dont elle avait déjà tordu le cou. Je les suçais comme on mange une pêche mûre. Leur viande ne m’intéressait pas ; seul le sang encore chaud qui giclait au fond de ma gorge m’apportait quelque réconfort.

Elle m’expliqua alors, au long d’une longue nuit sans lune, cette malédiction antédiluvienne, ses incroyables pouvoirs, et ses immenses responsabilités. Je lui serai désormais éternellement attaché, et ne pourrait lui désobéir. Elle me le spécifia à plusieurs reprises, mais mon corps, pourtant dans la vigueur et l’agilité de la jeunesse, le savait déjà.

Sur son conseil, je changeai de vie. Je me fis teindre mes cheveux en blond, et mes yeux, d’ordinaire bruns, avaient pris une couleur bleutée. J’étais devenu méconnaissable pour mes amis ou ma famille. Je m’installais à Béziers, une ville où nul ne me connaissait. Je continuais de faire ce que je savais faire le mieux : jongler, chanter et jouer du luth. Ma voix avait gagné en tessiture dans les aigus comme dans les graves ; je fis vite l’admiration des meilleures familles biterroises, quand je m’y produisais la nuit venue. Je fis ainsi la connaissance d’Odelin Balmigère, tisserand de Béziers et amateur de musique. Il tâtait du tympanon, et je lui donnais quelques cours. Une bizarre amitié naquit entre nous, il m’admirait, m’aimait peut-être en secret. Quant à moi, je ne le détestais point. De passage à Béziers, son logis était le mien. La nuit tombée, nous jouions de la musique jusqu’à une heure tardive, mais le plus souvent, nous discutions. Oui, nous discutions. C’était peut-être la seule personne à qui je pus me confier. Mais il vieillit, et nous savons que, pour eux, ces choses sont inexorables…

Odelin Balmigère

Il me fallait néanmoins de l’aide. J’improvisai parfois quelque chanson coquine dans une taverne mal famée, aux dépens d’une serveuse ou d’un voyou local. Gare néanmoins à celui qui me cherchait noise, méjugeant ma frêle stature. Mais je n’étais pas à l’abri pour autant. Sur le conseil de la Sorcière, je mis Paulin sous ma coupe. Ce jeune idiot, méchant malandrin ramassé à la suite d’une rixe Impasse de Lignan, se contentait de quelques gouttes de ma vitae contre l’exécution de mes basses œuvres. Brute écervelée, il cachait sa triste nature sous un sourire engageant, qui lui permettait de m’apporter des victimes, consentantes ou pas, et de se débarrasser des cadavres sans vie que j’avais maladroitement étreints.

Paulin

Mais les routes d’Occitanie n’étaient pas sûres. Et nous devions les parcourir perpétuellement, comme le Juif Errant, pour nous rendre de château en château. C’est ainsi que je rencontrais Robin La Montagne, un gitan qui n’était rien de moins en train que de voler mon hôte, Gaétan de Bénezet, oui, l’Evêque de Nîmes ! Je le surpris ainsi, en pleine nuit, s’introduisant au premier étage du palais qui sert de presbytère à l’évêque, décrochant un quelconque tableau accroché au mur.

J’allais lui régler son compte d’un simple geste, mais nos regards se croisèrent, puis nos sourires. Un Toréador qui croise un Ravnos. Aucun mot ne fut prononcé, et je le laissai partir avec le tableau. J’étais sûr que nous nous reverrions, et qu’il me raconterait son histoire, ce qui ne manqua pas. La voici, ami lecteur, si tu n’es pas lassé des coïncidences troublantes du destin…

Robin la Montagne

S’aventurant un jour dans la Montagne Noire, Robin trouva, vers le Puig Burgat une grotte habitée. Habitué des mauvais coups, il voulut s’emparer du premier objet de valeur qui lui tombait sous la main : une statuette étrange, peut-être égyptienne. C’est alors qu’elle apparut, la Femme Sans Nom. Oui, ma Sorcière elle-même ! Là aussi, on se jaugea d’un seul coup d’œil. Plutôt que de se combattre, elle lui proposa de s’affranchir de sa dette en allant dérober un tableau, un portrait, actuellement en possession de l’Evêque de Nîmes. Ce portrait, elle voulait – sans en dire plus – le détruire.

J’étais chez l’évêque ce soir-là et aujourd’hui, nous ne savons toujours pas, ni Robin, ni moi, ce qu’il est advenu du tableau. Toujours est-il que La Montagne, pour me remercier, m’offrit un étrange couteau… Comme on n’offre pas de couteau, je lui donnais en échange une bonne harpe. Un jour, Sania, une diseuse de bonne aventure aperçut ma dague et demanda à la voir plus précisément. Son regard se durcit, avant qu’elle ne prenne mes mains dans les siennes et les approche d’un geste maternel vers sa poitrine : « Jeune homme, cette arme te protègera de tous tes ennemis. Mais un jour, » ajouta-t-elle, « cette même dague tuera quelqu’un de cher. Accidentellement ou volontairement, de ta main ou celle d’un autre, peu importe ! Ce jour-là, tu devras la jeter dans l’eau courante, sinon elle se retournera contre toi ! » Je souris bêtement, sentant confusément qu’il y avait quelque chose de vrai là-dedans…

Robin et moi devînmes rapidement amis ; nous parcourions les mêmes routes, dormions dans les mêmes auberges, nous produisions dans les mêmes châteaux, moi et mon luth, lui et sa troupe de saltimbanques. Nous troquions de précieux conseils : les bonnes tavernes, les mas isolés, les garçons de fermes imprudents… Entre Béziers, Carcassonne, et Toulouse, nous étions les rois. Nous échangeâmes bientôt nos sangs, et La Femme Sans Nom devint même son mentor. J’en suis d’ailleurs un peu jaloux. Il le sait, et comme pour s’en faire pardonner, me prodigue de son côté l’enseignement de la Voie du Paradoxe.

Un poignard, une malédiction, un rôle décisif…

Le temps passa, et petit à petit, mon passé mourut. Père et mère, frères et sœurs, oncles et tantes, amis et professeurs, sans jamais me revoir… On pourrait croire que j’en fus triste, mais mon cœur semblait s’être arrêté de battre depuis très longtemps. Au contraire, je fus pris d’une soif inextinguible pour le présent, la gloire et ses plaisirs quotidiens. Je devins très habile au luth, au-delà de ce qu’il était humainement possible de faire.

Mon nouvel entourage aime à croire que la musique et la poésie sont pour moi une forme de réconfort, une passerelle vers le passé, un pont vers la vie d’avant. Ils essaient, je pense, de se rassurer eux-mêmes, méditant sur leur nouvelle et terrible condition.

Pour ma part, ils ne pourraient se tromper davantage. Je prends plaisir, bien au contraire, à écrire et à chanter sur les illusions qui adoucissent la cruelle condition humaine : la Foi en Dieu, l’Amour de sa Dame, l’Honneur qu’il y a à mourir sur le champ de bataille…

Toutes choses qui, en réalité, n’existent pas.

Bilan 2021

Et voilà, on est le 1er avril, et toujours pas de bilan 2021… Ce n’est donc plus l’heure des bilans, mais celle du Grand Rattrapage. Laissons donc parler les chiffres : en jeu de rôles, 58 parties dont 8 Warhammer, 11 Hérésie Cathare (Vampire Age des Ténèbres), 7 Initiative 51 (Menace-X, un Chroniques Oubliées Contemporain), 12 Paris by Night (Vampire la Mascarade), 3 Dominion/Dune, 7 Games of Thrones, 4 Planet Terror (Chroniques Oubliées Contemporain), 2 Delta Green, 1 For the Drama Zombie, 2 M-Space, 1 Apocalypse World…

Warhammer continue donc sa marche impériale. Dans cette quinzième saison (!), nos héros sont rentrés de leur terrible périple dans le sud, mais c’est pour retrouver Nuln assiégée par les troupes impériales, alors qu’un péril bien plus grand se prépare à l’Est.

De leur côté, certaines autres grandes campagnes se sont achevées cette année, à commencer par Delta Green du terrible Karl Ferenc, qui nous a mené, en huit ans, non seulement aux confins de la Galaxie, mais aussi des années 40 au 40ème millénaire.

Nous avons aussi achevé Initiative 51, qui laisse le pire des souvenirs pour un Maître de Jeu : ne pas avoir assez travaillé. On s’est bien marrés, mais quelques réglages auraient pu transformer cet X-Files brouillon mais fun en très grande campagne. Ça nous apprendra.

Jehan Montaillou, poète occitan
« Oncques place bien assaillie ne fut, qui jamais ne fut prise… »
 

On a beaucoup sucé de sang cette année, d’abord avec l’ami Belphègues et sa chronique Hérésie cathare, qui a permis au troubadour Jehan d’exprimer tout son talent artistique, et a permis un final drama qu’on n’oubliera pas, entre la reine de son cœur et un coup de poignard fatal. Mais on aussi masterisé Vampire pour de jeunes caïnites, qui ont aussi affronté – à leur dépens – un loup garou dans les cévennes et une mathusalem babylonienne, la princesse babylonienne Shimra …

Shimra se réveille et elle n’est pas contente…

Mais surtout, 2021 a été l’occasion de nombreux lancements. Deux campagnes Apocalypse : Dune, via le fabuleux Dominion de Mister Khelren, mais aller aussi à la source en jouant à la pierre angulaire des PbtA, le séminal Apocalypse World de Vincent Baker.

Zain le/la céphale se réveille et il/elle n’est pas contente…

Le système PbtA tient vraiment toutes ses promesses en matière de de création de monde post-apo (AW) ou de Maison de l’Imperium (Dominion). C’est clairement mon coup de cœur du moment.

La Maison Hoffen Zeller, prestigieuse Maison de l’Imperium du Monde Connu

Cela m’éloigne d’autant plus des systèmes traditionnels, avec leur background à rallonge, et leurs règles détaillées de gestion du matériel, façon M-Space (un space opera Basic Role Playing System) ou Games of Thrones. Mais ces deux parties sont sauvées par des MJ passionnés par leur univers, respectivement Stéphane, le Sage de Montauban et son Monde du Drif, et GoTyborg de la Maison Barnell.

On a aussi tenté en ligne un petit jeu rigolo, qu’on réessaiera, et qui fait la transition vers les jeux de plateaux : For the Drama. Ou plus exactement l’adaptation zombie, disponible en ligne, de For the Queen. Un jeu de rôle narratif sans meneur, qui ne nécessite aucune explication (allez voir par vous-même et qui se joue, au choix, entre 1, 2 ou 3 heures ! Drôle comme un Fiasco, plus simple à mettre en place, c’est le JDR apéro…

Oui, quels actes horribles ?

Côté Plateaux, beaucoup moins de parties (16 en tout), monopolisées, actualité oblige, par Dune Imperium. Le jeu de placement d’agent tient toutes ses promesses : juste mélange entre froide mécanique allemande et petits coups de putes façon ameritrash.

Virtù m’a aussi personnellement séduit. Un jeu magnifique, sur une période passionnantes, les guerres d’Italie, avec Cesare Borgia et Machiavel, mais il n’a pas plu à tout le monde. Selon la mode actuelle, Virtù est bourré de règles dans tous les sens. J’espère qu’il aura une deuxième chance en 2022.

Pour le reste on a testé quelques nouveautés très sympathiques comme Love Letters, King of Tokyo, ou rejoué à mes chouchous : Age of Steam, et Balam ; j’ai pris de copieuses branlées vers Cincinatti ou Teotihuacan.

«Virtù contra furore
Prenderà l’arme,
e fia’l combatter corto ;
Che l’antico valore
Negl’italici
cor non è ancor morto.»

Mais je reste le roi d’Arrakis, n’est-ce pas l’essentiel ?

C’est qui le patron ?