Planet Arrakis

Jeux de rôle, jeux de plateau, prenez ce qui vous plait…

Dune, beau et con à la fois…

« Yom asal, yom basal »
Un jour du miel, un jour des oignons

Le cinéphile dunien erre dans le désert depuis 1965, à la recherche d’une bonne adaptation de Dune. Un jour, il mange du miel, le lendemain, des oignons. La suite tant attendue arrive sur les écrans : Dune : Deuxième Partie, la bien nommée. Le Professorino crie au chef d’œuvre. Son père, le Naib Ludovico, n’est pas content et parle d’idiot cinématographique. C’est en réalité une cause perdue. Le Professore est un de ces fondamentalistes, comme dit Villeneuve, qui traquent l’hérésie dans chaque plan – tu ne prononceras pas le nom de Muad’Dib en vain !

La fatwa fera l’objet d’une prochaine chronique. Essayons donc de regarder ça uniquement sous l’angle cinématographique : là aussi, le compte n’y est pas. Rendons grâce néanmoins à Denis Villeneuve d’avoir quelques réussites. Le film a un point de vue, ce qui est rare dans les adaptations de bestsellers. Le cinéaste de Premier Contact déploie ici un débat dialectique entre la vraie foi (incarnée par Stilgar) et un athéisme post-moderne, où la religion n’est qu’un outil de domination des masses (un outil utile pour Jessica, ou scandaleux pour Chani). Villeneuve lance le débat à peu près correctement, mais dans la dernière ligne droite, son propos ne devient plus très clair (Paul, d’abord contre, devient pour).

Autre avantage, Villeneuve injecte un peu d’humour dans Dune, ce qui n’est pas vraiment le point fort du roman. Et puis visuellement, Dune est toujours aussi fantastique. Villeneuve filme le désert comme personne : ergs, couchers de soleil, récoltes d’Epice, ou combat d’arène en noir et blanc.

Beau, oui, mais con à la fois…

« Lourde est la pierre, et dense est le sable.
Mais ni l’un ni l’autre ne sont rien à côté de la colère d’un idiot. »

Qu’est-ce qu’un idiot de cinéma ? C’est quelqu’un (acteur, réalisateur, décorateur) qui ne réfléchit pas à son métier. Ses idées sont un flux de conscience, qui impriment directement la pellicule. À ce titre, Villeneuve est un idiot de cinéma. Prenons tout de suite les précautions d’usage : par bien des égards, Denis Villeneuve est notre frère. Il a notre âge, il vénère le même panthéon cinématographique (2001, Apocalypse Now!, Persona, Blade Runner), et c’est un fan sincère de Dune. Depuis l’adolescence, Villeneuve rêve de « faire » Dune. Il a même storyboardé le livre de Frank Herbert à l’âge de 13 ans. Et voilà, à 54 ans, qu’on lui donne la chance de le faire. On peut comprendre que l’aboutissement de ce rêve soit un achèvement.

Mais un cinéaste ne peut pas être qu’un fanboy. Filmer sa vision n’est pas du cinéma. Qu’est-ce que ce film veut dire ? Qu’est-ce que le spectateur va comprendre ? Ça, Denis Villeneuve n’y réfléchit pas. Est-ce que cela a de l’importance, si les images sont belles, si les acteurs sont bons, si les décors sont grandioses* ? Pour un film à gros budget, il n’est pas très compliqué de réunir les meilleurs talents. Les faire travailler ensemble à une grande œuvre est une tout autre affaire.

Un exemple : la maison de l’Empereur Shaddam IV. Une jolie scène bucolique, un petit pavillon en béton dans un coin de verdure… Mais l’Empereur est la personne la plus puissante, la plus riche de l’univers. Les Harkonnens et les Atreides sont ses vassaux. Pour le lecteur de Dune, pas de problème : il décode, il interprète. Mais pour le spectateur lambda, Christopher Walken est un être faible qui vit dans une petite maison : contresens !

Ensuite, l’Empereur arrive sur Arrakis dans un vaisseau magnifique, une immense boule métallique**. Il s’installe sur la planète et déploie un immense palais, argenté lui aussi. Contradiction : pourquoi le gars qui vivait dans une petite maison possède un si grand palais ?  

La confrontation a lieu. Grâce à sa ruse et ses vers géants, Paul écrase ses ennemis. Voilà l’Empereur réduit à se retrancher dans le palais. Ses fidèles Sardaukar forment le dernier carré, faisant rempart de leur corps. Mais Paul pénètre dans le palais comme dans un moulin. Passe devant les Sardaukar. Se dirige vers le Baron Harkonnen. Et le tue, sans que personne ne s’interpose… Cette salle du trône, elle est dans l’obscurité, comme TOUTES les pièces de TOUT le film. Pourquoi l’homme le plus puissant de l’Univers habite dans l’ombre ? Pourquoi la déco (portes rondes, pièces obscures) est la même partout ? Pourquoi ses gardes ne combattent-ils pas ? Pourquoi cet homme, qui possède tout, habite dans un pavillon mal jardiné de Villeneuve-la-Garenne ? Tout cela pollue – consciemment ou inconsciemment – l’esprit du spectateur…

Soit on résout ces questions, comme le pense Kubrick, qui dit qu’on peut filmer n’importe quelle idée, à condition d’arriver à l’incarner correctement*** . Soit on évite au spectateur de se poser ces questions, comme le préfère Hitchcock****. Or ces contradictions montrent qu’il ne s’agit pas d’une volonté de Villeneuve, mais bien d’un oubli, d’un manque de réflexion. Il n’y a pas réfléchi, comme il n’y réfléchissait pas, déjà, dans Sicario.

Denis Villeneuve est un idiot de cinéma.

*C’est ce que semble penser le public, qui fait un triomphe à cette Part Two. On peut aussi penser que Dune touche un public habitué à bien pire (Marvel) et qu’il trouve enfin dans le film de Villeneuve quelque chose d’intelligent et mature.

** Comme Mitterrand, Villeneuve aime les formes simples : triangle/rond/carré.

*** « Hélas, les idées ne font pas les bons films. Il faut des idées dans les bons films, mais cela demande beaucoup de créativité artistique pour incarner fortement une idée… »

**** « Je retrouve ces erreurs partout : [le spectateur] découvre soudain qu’on a changé de lieu, sans explication, ou deux personnages portent le même costume, et de fait, on ne sait plus qui est le méchant… »

Chronique publiée également sur Cinefast

Dune sur Radio Rôliste

« Tenter de comprendre Dune sans connaitre ses projets de films inachevés, les sequel du fiston mal écrites, les règles de jeu incompréhensibles, c’est tenter de voir la Vérité sans connaître le Mensonge. C’est tenter de voir la Lumière sans connaître les Ténèbres. Cela ne peut être. »

A l’occasion de la sortie très attendue du Dune 2 de Denis Villeneuve, Lam Son de Radio Rôliste m’a gentiment invité en compagnie de deux experts d’Arrakis (Dorothée qui mène une campagne Modiphius et le grand Khelren lui-même, auteur, entre autres, de Dominion) à parler Epice, Gom Jabbar, et plis de l’espace. On discute des spécificités de l’incroyable univers d’Herbert, du livre et de ses suites, des films, et surtout bien évidemment des jeux de rôles qui se sont attaqué à la tête. Bonne écoute !  

L’émission de Radio Rôliste

Dominion, jeux de pouvoir et maisons nobles, de Khelren
Imperium, le jeu de rôle amateur d’Olivier Legrand

Dune, Adventure in the Imperium édité en Anglais par Modiphius et en Français par Arkhane Asylum Publishing
Dune, Chronicles of the Imperium (JDR collector de Last Unicorn Games)

Une aide de jeu pour Grand National Derby

C’est la force de Reiner Knizia que de faire des jeux avec des petits riens. En l’occurrence, un jeu de course d’obstacles avec seulement 8 ×10 cartes de couleurs différentes. Évidemment vous ne pouvez pas faire ça chez vous avec un jeu de cartes à jouer, sinon monsieur Knizia ne serait pas un des rares auteurs à avoir fait fortune dans le jeu de société.

Red Thunder semble bien parti pour l’emporter...

Le principe de Grand National Derby : parier sur des chevaux de courses, qui tentent d’emporter une des plus dangereuse (et donc prestigieuse) course d’obstacles, le Grand National. Plus vous pariez tôt, plus vous gagnez : ce qui veut dire parier avant chacune des quatre premières haies qui composent le jeu. Comme il y a un peu de vice (comme toujours chez Knizia), c’est vous qui faites avancer le cheval sur lequel vous avez parié ou, au contraire, faites chuter le cheval de vos adversaires. Comment ? En posant la carte qui tue, car le cheval avec la plus petite carte à chaque haie tombe, et est éliminé avec ses paris.

Pas de chance, il chute à la Rivière des Tribunes !

Un jeu simple, vicieux, rapide, comme je les aime. Mais comme j’ai une mémoire de pur-sang, j’ai fait une petite aide de jeu récapitulative qui est ici.

Apocalypse World – Chronique d’Atika

Bande de nazes.

Vous croyez que j’avais rien capté de qu’est-ce qui s’était passé à Atika, depuis que les guignols, Max et le Snake, s’étaient pointé comme des racailles et foutu tout le bordel qu’on sait dans la Comu ? Démasquer Zain, virer le bon vieux Slash, pis La Taulière elle-même ?  

J’avais rien dit mais j’oublie rien. Jamais. Tout est là. Y’a qu’à regarder.

Dune – Chronique de la Maison Hoffen Zeller

Un commencement est un moment d’une délicatesse extrême… Quand mon père Shaddam IV, Padishah-empereur de l’Univers Connu, décida de confier à la maison Hoffen Zeller, l’arbitrage d’Arrakis, je me résolvais à prendre mentalement des notes, me doutant qu’il faudrait un jour que quelqu’un raconte cette histoire extraordinaire. En effet, depuis un siècle, les Harkonnens possédaient le fief de Dune, et assuraient, certes avec une violence extrême, le bon approvisionnement du Mélange. Pourquoi mon père, qui ne portait pas le Duc dans son cœur, avait-il décide de donner Arrakis aux Atréides, les pires ennemis du Baron ? Et pourquoi diable avait-il confié le soin de l’Arbitrage du Changement à la Maison, certes honorable, mais mineure, des Hoffen Zeller ?

Voici donc, gravé sur shigraville, la chronique de la première année de la Maison sur Arrakis. Comment elle tenta de résoudre ses problèmes de succession familiale, tout en arbitrant au mieux le passage de témoin entre les Harkonnens et les Atreides…  

Bilan 2022

Virtù, la révélation 2022

Pas eu trop le temps de faire un Bilan sur 2022, mais le voici pour les stats :

JDR : 50 parties

4 M Space, 7 Apocalypse World, 4 Game Of  Thrones, 9 Warhammer, 6 Dominion Hoffen Zeller et pour la Maison  Corleane, 2 Shadowrun Anarchy, 7 Pendragon, 1 For the drama online “Pour l’Empereur”, 5 Berlin La Dépravée  3 Planet Terror

JDP : 19 parties

Virtu 1, Dune imperium 4, Skull 3, Dune jeu de conquête  1, Anno1800 1, Lifeboat 1, For the drama carte « Un casse de trop » 2, Citadelles 1, Kremlin 1

On fera mieux l’an prochain !

Pourquoi vous devriez essayer l’Apocalypse, now ?

Depuis 13 ans, Apocalypse World, l’intuition géniale de D. Vincent et Meguey Baker, a enfanté une génération entière de jeux « propulsés par l’Apocalypse ». Le Commandeur des Croyants, toujours prêt à lancer un Jihad à gauche ou à droite, est longtemps passé à côté du phénomène jusqu’à ce que le Duc de Nouméa ne lance une partie séminale de Monster of the Week. L’ironie étant que cette partie, très bien masterisée, a beaucoup plus plu à votre serviteur qu’à notre Duc, qui – selon ses propres dires – « aime jeter un peu plus de dés que ça !! »… On ne se refait pas.

Mais pour sa part, après une trentaine de parties masterisées (Monster of the Week, Dominion, Apocalypse World), Paul Moud Ubid se croit en mesure d’expliquer pourquoi il est tombé amoureux de ce système de jeu(x).

Si les jeux PbtA possèdent désormais de nombreuses variantes (avec ou sans MJ, avec ou sans dé), ils reposent pour la plupart sur 3 principes très forts.

1, jouer pour voir où ça nous mène.
C’est-à-dire ne pas suivre un scénario, ne pas résoudre une énigme. Au contraire, faire émerger l’histoire en fonction des actions des personnages…

2, être fan des personnages/poser des questions comme un malade
L’objectif est de faire émerger la partie par les joueurs. Si les joueurs sont censés construire un peu l’univers dans les jeux traditionnels, cela dépasse rarement la création du background initial de son seul personnage. Ici, c’est une invitation très forte à le faire et surtout, à continuer à le faire tout au long des parties… Et ce n’est pas complétement – nous y reviendrons – de la « narration partagée »…

3, quand on dit quelque chose, on le fait
En clair, cela veut dire que le personnage agit, et qu’on lance les dés ensuite pour voir les conséquences. On ne tente pas de faire quelque chose en demandant l’autorisation à un jet de compétence. Cette différence, qui semble subtile, est en fait fondamentale. Le personnage agit, personne ne peut l’en empêcher, mais il peut y avoir un prix à payer. On parle donc de Manœuvre (« Move« ), plutôt que de Compétence. Il y en a peu, et elles sont très génériques…

On le voit, ces principes ne sont pas tant d’une révolution qu’une théorisation intensive, qu’une formalisation très précise de notre pratique. Pour un vieux briscard comme moi, il y a plaisir à voir qu’Apocalypse World tire parti de l’expérience accumulée des rôlistes.

Intégrer 50 ans de jeu de rôle
La posture initiale du JDR, c’est – si on schématise un peu – une pseudo relation SM. Le Maître de Jeu, omnipotent et omniscient (fait semblant de) connaître parfaitement les règles. Il martyrise ses Joueurs (pour de faux) et fait semblant, la plupart du temps, de vouloir les tuer.

La réalité est tout autre : le Dungeon Master les gave en réalité d’or et de victimes, d’épées magiques et de fioles de soins. Les XP coulent à flot, dans le but de monter le plus haut niveau possible. Comme dans les jeux de l’enfance (Cowboys et Indiens, Gendarmes et Voleurs), on joue à se faire peur. Pour de faux. Mais les joueurs finissent toujours par triompher.

De sorte que ces jeux sont écrits ainsi. « Punissez les joueurs » lit-on par exemple dans la Campagne Impériale. « Soyez implacables », dit L’Appel de Cthulhu. Mais comme le disait aussi Gary Gygax : les dés servent surtout à faire du bruit derrière l’écran. Donc, le MJ compense en permanence : un dragon trop fort ? On baisse ses PDV… Une tâche trop ardue ? On donne un bonus… Un personnage mourant ? Une fiole de soin se trouve dans le coffre de la Liche. On a perdu la piste de l’intrigue ? Jet de Perception…

Un investigateur cherche la suite du scénario grâce à un jet de Perception réussi…

Apocalypse World a digéré tout cela. Puis il l’a recraché, pour repartir à zéro en proposant exactement le contraire…

MJ sans dés : le joueur maître du jeu
Les Baker ont d’abord interdit au MJ de lancer des dés : impossible, désormais, de modifier ce jet derrière l’écran. D’ailleurs, il n’y a plus d’écran ! Manœuvre du joueur + Carac, un point c’est tout. On lance 2d6. Si l’on fait plus de 10, c’est Réussi. 7 à 9, c’est Réussi avec conséquence négative. Moins de 6 : c’est Raté avec conséquence négative. Pas de bonus, pas de bidouillage pour atténuer les conséquences. Le joueur est Maître du Jeu, pourrait-on dire. Cela fonctionne particulièrement en combat, où l’affrontement est remis à sa vraie place narrative.

Des combats narrativement corrects (enfin !)
Dans la vie ou dans un roman, un héros tue rarement un garde pour s’introduire dans un château… il cherche avant tout à s’introduire dans le château ! Mais dans le jeu tradi, la solution la plus simple est souvent de tuer toute opposition. Les jets pour assommer ne sont pas clairs, on n’est pas sûrs de réussir son jet, etc. Là aussi, les MJs améliorent souvent les règles tradi (en n’en tenant pas compte, la plupart du temps !) Dans les PbtA, les règles prennent le problème dans le bon sens, c’est à dire celui de l’action. Que veut le joueur ? Neutraliser le garde en l’assommant ? En le convaincant de se taire ? En le menaçant de mort ? En le tuant, vraiment ? Vous l’annoncez puis vous lancez les dés. Mais attention, ce n’est pas parce que le MJ ne lance pas de dés que le PNJ n’agit pas ! Exemple, à Dominion, les options sont les suivantes pour la manœuvre AFFRONTER UN ADVERSAIRE :

  • Réussi : le garde s’incline (ou vous lui infligez des dégâts)
  • Réussi avec conséquence négative : le garde est neutralisé à condition de RESTER DE MARBRE (une autre manœuvre qui peut par exemple blesser le PJ), ou encore : le PJ inflige et subit des dégâts
  • Raté : le garde n’est pas neutralisé, il peut donner l’alarme ; le PJ inflige et subit des dégâts

La différence est claire : dans tous les cas, le PJ obtient quelque chose, mais pas forcément ce qu’il souhaitait.

Des points de vie et des blessures réalistes
Les PbTA gèrent efficacement les souffrances des personnages, des PNJ et des monstres, reprenant des innovations qui datent, par exemple, des « Etats » de Vampire (1991). Face à l’accumulation D&D, aux PJs à 50 points de vie qui prennent des dégâts pendant une demi-heure avant d’envisager une retraite glorieuse, les PbtA proposent en tout et pour tout 6 PDV, quel que soit le personnage (PJ ou PNJ). Et fixe des dégâts par arme : dague 1-dégât, pistolet-2 dégâts, chute-3 dégâts, etc.) Ce qui signifie que la comptabilité des points de vie n’est plus un sujet, mais l’état du PJ, si. Et ils proposent donc des conséquences réalistes : blessures, humiliations, mutilations, selon le genre du jeu…

Ah le bon vieux temps où les gold pieces, les points de vie, et les épées vorpales coulaient à flots !

Une gestion de l’expérience lié aux personnages
Plutôt que de baser l’expérience sur l’accumulation de morts (nombre de monstres tués à D&D), sur la bonne résolution de l’intrigue (Warhammer) ou sur des bons points accordés au roleplay selon le bon vouloir du Conteur (Vampire), les PbtA proposent de récompenser les interactions entre les personnages (Apocalypse World), l’utilisation de toutes les caracs (AW), ou les échecs (Dominion, Monster of the Week). Au-delà des implications philosophiques que cela suppose (D&D pouvant être considéré comme un jeu capitaliste (on s’enrichit, et plus on est riche, plus on est riche)) ou scolaires (récompenser la bonne gestion du scenario à Warhammer), il est intéressant de voir que les PbtA récompensent la « Bonne histoire ».

Mais qu’est-ce qu’une bonne histoire ? C’est une histoire qui respecte le genre. A Apocalypse World, on joue des barbares sans foi ni loi, qui tentent de survivre dans un monde desespéré. A Night Witches, des femmes qui tentent de survivre également, entre l’horreur de la guerre et la dictature stalinienne, mais qui auront aussi des histoires d’amour. A Dominion, des aristocrates qui se battent pour sauvegarder leur honneur et leur Maison. Tous ces jeux incitent (et récompensent) le play-to-lose, ce mode de jeu contre-intuitif qui pousse le joueur à se mettre en danger dans le sens de la fiction, c’est à dire la tragédie. Par exemple, à Dominion, quand une courtisane voit sa beauté faner, elle gagne des points… A Apocalypse World, Big Bill en fait autant s’il connait mieux Zarga, la Taulière, en couchant avec elle…

Dame Jessica ou Zarga,
deux salles, deux ambiances…

Ces points s’échangent contre une progression, elle aussi, logique : gagner d’autres Manœuvres, augmenter une Carac, changer de métier, ou même gagner un deuxième personnage !

Des compétences sociales enfin jouables
La gestion des compétences sociales était jusque-là un sujet maudit. Le joueur faisait un magnifique discours pour lancer sa Compagnie de l’Anneau dans la Moria, puis il fallait lancer les dés, et patatras ! Raté, tout le monde rentrait dans la Comté… Jusqu’au Jet de Trouver Objet Caché soudainement exigé par le MJ.

La Comté, 700 bornes ?
Et en passant par la Vieille Route de l’Ouest ?

Les jeux PbTA inversent le paradigme, même s’il s’agit toujours de séduire, ou de manipuler. Mieux, il permet de le faire entre joueurs… Ce qui fait la différence, c’est qu’il y a toute latitude d’accepter ou de refuser.

Ainsi, à Dominion, la manœuvre PERSUADER est ainsi décrite :

  • Quand vous voulez forcer un interlocuteur à faire ce que vous voulez, expliquez ce que vous essayez d’obtenir de lui, et lancez 2d6+finesse.
    • Sur 10 ou plus, votre interlocuteur doit céder, au moins pour l’instant, ou vous donner l’ascendant.
    • Sur 7-9, votre interlocuteur peut vous donner quelque chose d’équivalent, à la place de céder.

Un PJ peut toujours refuser : il doit alors utiliser la manœuvre RESTER DE MARBRE. S’il rate ce jet, il peut devenir, selon le contexte, « honni »,
« fébrile » ou « maudit » (et perdre momentanément des points de Carac). On le voit, tout est géré : le libre arbitre du PJ ou du PNJ, mais aussi l’impact de sa décision.

Donnez-leur ce qu’ils veulent… et emparez-vous de ce à quoi ils tiennent !
Cette perte de contrôle, souvent évoquée par les MJ débutants en PbtA, n’est en fait qu’une illusion. Si l’on donne la main aux joueurs sur la création du monde, cela n’est pas sans supervision. Ainsi, dans mes 3 parties de Dune-Dominion, j’ai laissé mes joueurs créer leur Maison en toute liberté, tout en posant des garde-fous pour mon canon esthétique d’une aventure Dunienne. En l’occurrence, les joueurs dirigent une Maison chargée d’assurer le rôle d’Arbitre du Changement entre Atreides et Harkonnens. J’ai donc interdit la création d’une Maison puissante (pour les mettre en infériorité face aux deux autres Maisons), j’ai interdit des personnages Bene Gesserit, Ixiens ou Tleilaxu, qui leur auraient donné des leviers trop puissants.

En donnant la main aux joueurs, en leur accordant (presque) tout ce qu’ils veulent, on crée en réalité des opportunités de jeu, de conflit, de drama ! Tu veux une épouse très belle ? Elle te trompera avec ta sœur ! Tu veux une grosse bagnole, façon Interceptor ? Tu te la feras piquer !! Tu diriges la plus grande mafia de l’univers, avec une connexion avec la Guilde ? Une faction adverse se prépare à te déloger de là…

C’est le génie machiavélique des PbTA : les joueurs génèrent eux-mêmes leurs ennuis futurs. Que ce soit organisé par le jeu (Night Witches, Dominion) ou que cela se génère à la volée (Monster of The Week, Apocalypse World), les choix des joueurs font émerger des histoires paradoxalement solides, si l’on s’attache à bien les écouter et rebondir sur leurs idées. Il y a plus de bonnes idées dans cinq cerveaux que dans un seul. Et ces idées sont plus solides à leurs yeux, puisqu’ils en sont les inventeurs : « je l’avais bien dit, je l’avais prévu ! »…

***

On le voit, les PbTA tournent une page très importante du jeu de rôle. C’est à la fois la synthèse de 50 ans d’expériences cumulées de millions de joueurs, de milliers de jeux, de centaines de concepteurs. C’est aussi un virage, fondamental, de notre pratique : sortir du berceau wargame (arbitre « dur » et « impartial ») pour entrer, en adulte, au royaume des conteurs…  

Dans les année 90s, on parlait du jeu de rôle comme le 10ème art : et si c’était maintenant ?

Donjons & Dragons : Le déshonneur d’Hasbro

J’ai trouvé une licence mais je ne sais pas quoi en faire…

Né du croisement improbable de la littérature de Fantasy* et du wargame napoléonien avec figurines, ce loisir était – quand nous l’avons découvert au début des années 80 – dans sa plus tendre enfance.

On créait un personnage sur une feuille de papier, en lui attribuant des caractéristiques chiffrées (sa force, son intelligence…), et on partait explorer des « donjons », sa plus simple expression ludique. Explorant virtuellement un ensemble de couloirs souterrains, nous y tuions à coup de dés le plus de monstres possibles… 40 ans plus tard, le Jeu de Rôles a bien évolué. Comme toute forme d’art, il a mûri. Des dizaines d’univers, des centaines de scénarios, bien plus subtils qu’une simple exploration de souterrains, ont été produits et joués. Et aujourd’hui, on incarne un personnage, on lui donne un passé, des dilemmes moraux : c’est un véritable personnage de fiction…

Tout ce que ne fait pas – somme toute – Donjons & Dragons, le film. Au-delà d’être un patchwork kitsch particulièrement laid, L’Honneur des Voleurs est une histoire ultra classique, sans personnages ni émotions. Des voyous à la ramasse, pitchés en une phrase (le père de famille négligent, la barbare en rupture de ban…) se retrouvent à lutter contre un mal antique qui veut détruire l’humanité… aka le scénario Copytop des studios hollywoodiens (Marvel & Co.) depuis des années…

Sur le plan visuel, pas mieux. En cela, le film respecte le matériau original : D&D a toujours été graphiquement atroce. Cinq éditions et quarante ans plus tard, il est toujours aussi laid : guerriers cheveux en brosse de quarterbacks texans, sorcières MILF peroxydées, châteaux dessinés par Disney… Normal pour un pays qui n’a jamais vu de châteaux forts… Le film fait de même en mélangeant allègrement des Marie-Antoinette, des Martin Luther et des épées antiques à la Conan le Barbare : tout ça est, pour les américains, est médiéval !

Mais le pire reste à venir : l’omniprésence du fan service, même pour le fan qu’est le Professore. Que le film cite visuellement des monstres (Mimic, Displacer Beast, Cube Gélatineux…), ou des objets magiques iconiques (Bag Of Holding , Horn Of Beckoning Death, Helm Of Disjunction…) fait plaisir. Mais le fan service sature littéralement les dialogues. Un name dropping totalement insupportable : Mordenkainen, Neverwinter, Baldur’s gate, etc., on cite même des règles du jeu…

Tout cela donne l’impression d’un gâchis (qui n’est pas immense, parce qu’on n’en attendait pas grand-chose), mais un gâchis tout de même. C’est mieux que le premier film de 2000, bien sûr, mais ça reste très loin de Game of Thrones, ou même de licences plus kitsch comme The Witcher ou Conan.

Et c’est dommage, car il y avait de la matière. D’une part, la partie comique est assez réussie, avec 2 ou 3 scènes cultes, et toute une série de blagues tongue-in-cheek pour initiés… Mais doublement dommage car Donjons & Dragons, le jeu, aurait pu s’appuyer sur les scénarios qui servaient de support à nos parties. Ces « modules » proposaient de belles aventures, mille fois plus originales que la lutte éternelle contre le grand méchant**… Hasbro n’avait qu’à se baisser pour les ramasser…

*Le Seigneur des Anneaux de JRR Tolkien, le Cycle des Epées de Fritz Leiber, Elric de Michael Moorcock, Conan le Barbare de R.E. Howard, Terremer, de Ursula Le Guin…

** The Sinister Secret of Saltmarsh, où un repaire de pirates mène à complot d’homme-lézards
Castle Amber, où l’on explore la maison hantée d’une antique famille
The Secret of Bone Hill/The Assassin’s Knot, où l’on explore une ile pleine de mystères et où l’on résout un meurtre étrange
The isle of Dread, où l’on explore une ile peuplée d’antiques créatures
Expedition To The Barrier Peaks, un donjon qui se révèle être… un vaisseau spatial

etc.

Chronique publiée également sur CineFast

Des aides de jeu pour Dominion, le Dune-like PbtA

« Dieu a créé Arrakis pour éprouver le fidèle »

Commandeur des Croyants, Ombre de la Souris dans la Deuxième Lune, Usul, le Pilier de la Sagesse, Paul Moud’Ubid cherchait depuis longtemps à jouer dans Dune. Mais se posait toujours la même question : qui jouer ? Incarner Paul ou les autres héros de Frank Herbert semblaient être un corset bien trop serré pour les joueurs. Jouer leurs amis, concubins, aides de camp restait encore problématique. Et comment jouer la prescience ? Et jouer à quelle époque ? Avant Dune, pendant Dune, après Dune ?

Et puis j’ai découvert les PbTA, via Monster of the Week et l’ami Go Tyborg, et quelques mois plus tard, je découvre le projet de Khelren, Dominion, que je backe immédiatement. Dominion n’est pas Dune, mais il pue l’épice par tous ses pores : Liga Mercatoria, Digipuncta, et autres boucliers énergétiques…  

Plein d’excitation, j’ai lancé ma première partie en 2021. Mon pitch : la Maison des joueurs est désignée comme Arbitre du Changement juste avant le début de Dune, au moment où les Atréides récupèrent Arrakis. Cette position neutre permet de sortir des rails que les joueurs connaissent, les Atréides ne sont peut-être pas si gentils, les Harkonnens peut-être pas si méchants ; à eux de voir. Mais surtout, la Maison des Joueurs peut aussi décider de jouer sa propre carte.

La Maison Hoffen Zeller : « Honneur, Courage, Gloire ! »

J’ai lancé ma première partie avec une bande d’amis tout aussi enthousiastes sur l’univers que pas très chaud sur les PbtA. Mais avec la promesse de faire demi-tour le cas échéant, la première partie « création de la Maison » les a convaincus. La Maison Hoffen Zeller est née.

Une deuxième partie a même été lancée avec un autre groupe. La Maison Corleanne s’apprête à ravager la galaxie.

La Maison Corleanne : « Mille Vaisseaux, Cent Planètes, Une Famille »

Il semblait intéressant de mettre à disposition toutes les aides de jeu qui « traduisent » Dominion en Dune : the PbtA ! N’est-ce pas, après tout, la vocation de Planet Arrakis ?  

Pour les joueurs :

Une bande-annonce pour le fun

Dune présentation des règles : un PowerPoint pour présenter les règles de manière simple (plutôt pour les joueurs)

Dune présentation DM, synthèse plus large, plutôt DM que joueurs, en particulier le combat, du simple duel au combat de masse). Il y a aussi (p23), les traductions des objets de Dominion dans l’univers de Dune

Dune Univers : un PowerPoint pour présenter l’univers aux gens qui ne connaîtraient pas

Comment choisir son personnage : un simple copier-coller de Dominion à transmettre aux joueurs (surtout utile à ceux qui connaissent Dune, et pas Dominion) 

Pour le DM :

Un fichier Excel pour suivre les Privilèges et les Budgets notamment dans le cadre d’une construction d’armée, de déplacement de la Guilde, etc. Intéressant uniquement si vous souhaitez mettre la pression sur vos joueurs en termes de moyens financiers. (à ce sujet voir mon article sur Planet Arrakis)

Trombinoscope : un PowerPoint très utile où je colle toutes mes idées de maison et de PJs (issues de Pinterest : https://www.pinterest.fr/Prludovico/dune/), et que je montre en cours de partie. C’est le plus gros travail à faire dans les PbtA, pour être toujours capable d’improviser un PNJ (visuel, nom, Maison…)

Rapport de la Guilde sur Arrakis : une aide de jeu à transmettre aux joueurs quand ils commencent un peu à s’intéresser à leur futur terrain de jeu (que les PJs peuvent avoir obtenu, volé, acheté…)

Les comptes à rebours que j’ai fait pour les 2 familles (Hoffen Zeller et Corleane). Toujours ce qu’il y a de plus difficile à appréhender pour les DM débutants en Apocalypseries… Si ça peut servir, j’ai beaucoup peiné dessus !

« Qui ne gaspille pas trouve toujours« 
Enseignement fremen

Uwain le Juste, un personnage pour Pendragon

Une Vie Bretonne,
compilée par Uwain le Juste

Newton, bien après minuit, 485 années après que notre seigneur Jésus-Christ vint délivrer les hommes…

En ces heures tragiques que vit le Royaume, il m’a semblé qu’il en fallait tenir la chronique, pour que nos descendants n’en commentent point les erreurs. C’est pourquoi je couche ici, profitant du don de l’écriture que m’a transmis mon père, l’histoire de ma famille.

Cadwallon, mon arrière-grand-père était né en 410, la dernière année où la Bretagne fit encore partie du Grand Empire. Le Royaume de Bretagne était attaqué de toutes parts ; les nobles firent appel à l’Empereur, qui les laissa se débrouiller seuls. Comprirent-ils ce jour-là que même les empires étaient mortels ? en tout cas, le Conseil des Bretons choisit alors Constantin, qui décida alors qu’un homme sur mille devint Equite. Ce fut le cas de Cadwallon, le premier chevalier de ma famille…

En 431, son fils Neddig, fut adoubé par notre gentil comte, Reginald de Salisbury ; et à la mort de Cadwallon, sa gloire immense rejaillit sur son fils. Mais celui-ci ne se reposa pas sur les lauriers de César, il avait hérité des valeurs de courage et de loyauté et servit le comte, comme son père avant lui.

Ainsi, en 439, Neddig combattit une première fois les saxons à la Bataille de Carlion contre les saxons. Il en conçu une haine des irlandais, qui le répétera-t-il toute sa vie, « ne combattent pas comme des hommes ». C’est également cette année-là que naquit mon père, Blaen.

L’année suivante, l’assassinat de Constantin par un de ses gardes, le félon Cadamar, fut un terrible coup porté aux Bretons, mais aussi à ma famille. Neddig, se jetant sur son agresseur, mourut aussi sous ses coups. Son fils, mon père, n’avait que deux ans.

Vingt ans plus tard, en 460, Blaen fut adoubé par le comte Reginald de Salisbury, toujours en vie.

Mais le roi Vortigern qui avait succédé à Constantin, (après l’assassinat du fils de Constantin) n’était pas de la trempe de ses prédécesseurs. Il pactisa sans honneur avec les saxons et se maria même avec une de leurs princesses, comble d’infâmie ! Nous bretons, ne l’acceptèrent pas. Une rébellion, menée par Reginald de Salisbury, conduit à la bataille de Cambridge.

 En 463, une assemblée à Stonehenge sembla apaiser les tensions. Mais ce n’était qu’un piège, qu’on appela ensuite la Nuit des Longs Couteaux ; les chevaliers bretons furent lâchement assassinés dans leur sommeil.  Le comte Reginald de Salisbury fit partie des victimes, mais Blaen arriva à s’en sortir, en fuyant déguisé en femme.

Appauvri, Blaen voulut néanmoins fonder une famille et se maria à Heledd, fille d’un chevalier sans terre. Je naquis l’année suivante. Cette année-là, Vortigern et les saxons dépouillèrent la Bretagne sans vergogne, en demandant tribut. Blaen refusa et attendit les ordres de son suzerain, le comte de Salisbury.

Au milieu de ce genre de situation, où le désespoir l’emporte souvent sur l’espoir, une lumière s’alluma alors dans les ténèbres. Aurelius Ambrosius, deuxième fils de Constantin, débarqua d’Armorique avec son armée. Il déploya sa bannière, et il y avait dessus un dragon rouge. Tous ceux qui haïssent les saxons rejoignirent volontiers cette bannière. Mon père en fit évidemment partie, combattit au siège de Cralion, jusqu’en Cambrie, et au mont Snowden. Lors de cette grande bataille Vortirgern fut enfin tué pour toutes ses infâmies. Aurelius Ambrosius fut élu Haut Roi par le Conseil des Bretons, et prit le titre de Pendragon, « le Grand Dragon » …

Les années suivantes virent de nombreuses attaques saxonnes, pictes, irlandaises. En 473, Blaen participa ainsi à la bataille de Windsor, qui renforça sa haine des saxons. En 477, Aell, Grand roi saxon débarqua dans le sud de la Bretagne qu’il conquit et baptisa la Saxe du sud.

Mais Aurelius Ambrosius contrattaqua et construisit une flotte pour repousser les invasions : les bretons débarquèrent en Frisie. Mon père, se battit jusque là-bas, aux côtés d’Aurelius.

En 480, à nouveau la traitrise l’emporta sur la loyauté et la miséricorde : Aurelius Ambrosius fut empoisonné, peut-être par un faux docteur. Blaien, immense honneur, participa aux funérailles de du Haut Roi à Stonehenge, et au Collège qui élisit Uther Pendragon, le frère d’Aurelius Ambrosius. Uther leva immédiatement en son nom une grande armée, qui combattit de suite à Eburacum ; funeste bataille où mon père perdit la vie en se couvrant de gloire.

Me voilà donc à vingt ans, héritier de cette longue histoire Kymrique. Serais-je digne de cet honneur ? Je le dois en tout cas, à ma famille, et à Notre Seigneur Jésus Christ.  Qu’il inspire mes pas, encourage ma clémence et ma générosité, et me corrige si jamais je suis injuste en quelque part…

Mais que puis-je faire, depuis mon misérable manoir de Newton ? Je n’ai pas de fortune, à part le vieux bracelet d’or couvert de symboles, dont personne ne peut déchiffrer le sens. Ce bracelet est peut-être aussi vieux que la Bretagne elle-même, mais jamais je ne le céderais à un vendeur ambulant à la recherche de métal jaune.

Mes gens ? Ils me sont fidèles, mais peu nombreux et plus tout jeunes ! Marchlew, vieux chevalier vétéran a connu la moitié de ce siècle et la plupart de ses batailles, mais il souffre du genou dès que l’air devient humide…  Deux jeunes garçons fougueux, Moried et Moren, les jumeaux de mon cousin Ysgarran, sont trop indisciplinés ; ils ont encore beaucoup à apprendre du métier des armes… A cela s’ajoute une quinzaine d’homme en état de se battre.

Heureusement, je peux me confier à Renauld, mon fidèle écuyer occitan arrivé dans les bagages d’Ambrosius. Il a fui Tolosa quand les chrétiens furent persécutés par les wisigoths arianistes. Il est difficile de le comprendre, mais à quatorze ans, c’est un jeune homme dévoué. Et il aime les chevaux tout autant que moi ; Rosier, mon chargeur de guerre, Piqueplume, mon roncin Pissenlit mon cheval de bât sont bien traités. 

Que me manque-t-il, sinon une tendre épouse ? Il me faudrait pour cela un peu de temps, mais la gestion du domaine m’accapare sur les champs, au moulin de Newton, au four à pain…

Nous verrons…