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Archive pour perso

Jehan Montaillou, poète occitan

« Oncques place bien assaillie ne fut, qui jamais ne fut prise… »

En choisissant le métier de troubadour, je savais que ma vie serait exaltante, mais incertaine. Je ne pouvais prédire qu’elle serait, en réalité, totalement certaine.

Je m’appelle Jehan Montaillou. Je suis né il y a longtemps, à Cucugnan, au cœur de cette belle Corbière. Ayant des prédispositions pour le chant, je fus remarqué lors d’une messe où j’étais vox principalis de l’organum. L’évêque de Narbonne me fit rejoindre la Chorégie de Folquet de Marselha. J’avais 13 ans et je passais soudainement de la meunerie paternelle à la Schola Cantorum, de mes odoriférantes Corbières à la puanteur de Narbonne, de la solitude à la multitude.

J’y appris la mélodie, l’harmonie, la jongle et l’art dramatique, le latin et le grec. Bientôt, je tâtais du luth, du psaltérion, du tympanon ou de la vieille, mais je revenais sans cesse au luth. J’y avais des prédispositions, et mes longs doigts fins m’y donnaient avantage.

Je fus vite admis comme premier apprenti, ce qui supposait des charges pénibles (m’occuper de nos montures, du gite et du couvert) mais aussi beaucoup de plaisir. Maistre Vidal se produisait dans les meilleures cours d’Occitanie. Eloges guerriers, ou chastes déclarations d’amour, tel était notre quotidien : nous vivions de belle manière, de château en château. Je ne savais pas que je connaissais là les jours les plus heureux de ma courte vie, car une grande malignité de fortune m’attendait.

L’année où Cœur de Lion partit en croisade, apaisant enfin le Midi, j’étais allé visiter ma tante à Tautavel, et j’y contractais un mauvais rhume. Ma voix s’enrouait, j’avais des fièvres, et aucune des décoctions familiales ne semblait en mesure de me tirer d’affaire. Je pris peur pour ma vie. En désespoir de cause, ma tante m’urgea d’aller quérir conseil à la Sorcière. C’était une recluse qui vivait au-delà du Puig Burgat, dans la Montagne Noire. Seule dans un pli de schiste, elle soignait les maux du corps comme ceux de l’âme ; elle avait sauvé la jambe – et probablement la vie – de mon cousin Perrotin.

Muni d’une simple canne, d’un poulet gras et d’une bouteille de vin rosé au romarin comme cadeau, je grimpais la montagne. Et je la vis. Je m’étais attendu à une vieille bique édentée, furonculeuse au nez crochu. C’était tout le contraire ; elle était étonnement jeune, rousse et belle. Sa peau était pâle comme du vélin. Son front, orné d’un étrange bijou, vert ou ocre suivant la lumière. Je ne remarquais en revanche aucun parfum. Elle ne puait pas non plus, malgré la grande pauvreté de sa grotte. Elle ne dégageait en fait aucune odeur, et son regard, malgré sa grande beauté, était inquisiteur, et mauvais.

Sans aménité, elle me fit entrer dans sa grotte et raconter mes malheurs. Puis, à sa demande, je m’étendis et me déshabillais. De douces rêveries érotiques s’emparèrent de moi. Je m’exécutais comme dans un rêve. Presque malgré moi, je fixais son regard.

La Sorcière

Elle se pencha vers moi et je fermais les yeux. Ses lèvres touchèrent mon cou. Après l’immense douceur de ses lèvres froides, je fus envahi d’une douleur atroce. Un éclair de glace me transperçait, suivi d’une extase absolue.

Je me réveillais longtemps après. La nuit était tombée et j’étais pris d’une faim atroce. Elle le savait et avait préparé pour moi quelques lapins dont elle avait déjà tordu le cou. Je les suçais comme on mange une pêche mûre. Leur viande ne m’intéressait pas ; seul le sang encore chaud qui giclait au fond de ma gorge m’apportait quelque réconfort.

Elle m’expliqua alors, au long d’une longue nuit sans lune, cette malédiction antédiluvienne, ses incroyables pouvoirs, et ses immenses responsabilités. Je lui serai désormais éternellement attaché, et ne pourrait lui désobéir. Elle me le spécifia à plusieurs reprises, mais mon corps, pourtant dans la vigueur et l’agilité de la jeunesse, le savait déjà.

Sur son conseil, je changeai de vie. Je me fis teindre mes cheveux en blond, et mes yeux, d’ordinaire bruns, avaient pris une couleur bleutée. J’étais devenu méconnaissable pour mes amis ou ma famille. Je m’installais à Béziers, une ville où nul ne me connaissait. Je continuais de faire ce que je savais faire le mieux : jongler, chanter et jouer du luth. Ma voix avait gagné en tessiture dans les aigus comme dans les graves ; je fis vite l’admiration des meilleures familles biterroises, quand je m’y produisais la nuit venue. Je fis ainsi la connaissance d’Odelin Balmigère, tisserand de Béziers et amateur de musique. Il tâtait du tympanon, et je lui donnais quelques cours. Une bizarre amitié naquit entre nous, il m’admirait, m’aimait peut-être en secret. Quant à moi, je ne le détestais point. De passage à Béziers, son logis était le mien. La nuit tombée, nous jouions de la musique jusqu’à une heure tardive, mais le plus souvent, nous discutions. Oui, nous discutions. C’était peut-être la seule personne à qui je pus me confier. Mais il vieillit, et nous savons que, pour eux, ces choses sont inexorables…

Odelin Balmigère

Il me fallait néanmoins de l’aide. J’improvisai parfois quelque chanson coquine dans une taverne mal famée, aux dépens d’une serveuse ou d’un voyou local. Gare néanmoins à celui qui me cherchait noise, méjugeant ma frêle stature. Mais je n’étais pas à l’abri pour autant. Sur le conseil de la Sorcière, je mis Paulin sous ma coupe. Ce jeune idiot, méchant malandrin ramassé à la suite d’une rixe Impasse de Lignan, se contentait de quelques gouttes de ma vitae contre l’exécution de mes basses œuvres. Brute écervelée, il cachait sa triste nature sous un sourire engageant, qui lui permettait de m’apporter des victimes, consentantes ou pas, et de se débarrasser des cadavres sans vie que j’avais maladroitement étreints.

Paulin

Mais les routes d’Occitanie n’étaient pas sûres. Et nous devions les parcourir perpétuellement, comme le Juif Errant, pour nous rendre de château en château. C’est ainsi que je rencontrais Robin La Montagne, un gitan qui n’était rien de moins en train que de voler mon hôte, Gaétan de Bénezet, oui, l’Evêque de Nîmes ! Je le surpris ainsi, en pleine nuit, s’introduisant au premier étage du palais qui sert de presbytère à l’évêque, décrochant un quelconque tableau accroché au mur.

J’allais lui régler son compte d’un simple geste, mais nos regards se croisèrent, puis nos sourires. Un Toréador qui croise un Ravnos. Aucun mot ne fut prononcé, et je le laissai partir avec le tableau. J’étais sûr que nous nous reverrions, et qu’il me raconterait son histoire, ce qui ne manqua pas. La voici, ami lecteur, si tu n’es pas lassé des coïncidences troublantes du destin…

Robin la Montagne

S’aventurant un jour dans la Montagne Noire, Robin trouva, vers le Puig Burgat une grotte habitée. Habitué des mauvais coups, il voulut s’emparer du premier objet de valeur qui lui tombait sous la main : une statuette étrange, peut-être égyptienne. C’est alors qu’elle apparut, la Femme Sans Nom. Oui, ma Sorcière elle-même ! Là aussi, on se jaugea d’un seul coup d’œil. Plutôt que de se combattre, elle lui proposa de s’affranchir de sa dette en allant dérober un tableau, un portrait, actuellement en possession de l’Evêque de Nîmes. Ce portrait, elle voulait – sans en dire plus – le détruire.

J’étais chez l’évêque ce soir-là et aujourd’hui, nous ne savons toujours pas, ni Robin, ni moi, ce qu’il est advenu du tableau. Toujours est-il que La Montagne, pour me remercier, m’offrit un étrange couteau… Comme on n’offre pas de couteau, je lui donnais en échange une bonne harpe. Un jour, Sania, une diseuse de bonne aventure aperçut ma dague et demanda à la voir plus précisément. Son regard se durcit, avant qu’elle ne prenne mes mains dans les siennes et les approche d’un geste maternel vers sa poitrine : « Jeune homme, cette arme te protègera de tous tes ennemis. Mais un jour, » ajouta-t-elle, « cette même dague tuera quelqu’un de cher. Accidentellement ou volontairement, de ta main ou celle d’un autre, peu importe ! Ce jour-là, tu devras la jeter dans l’eau courante, sinon elle se retournera contre toi ! » Je souris bêtement, sentant confusément qu’il y avait quelque chose de vrai là-dedans…

Robin et moi devînmes rapidement amis ; nous parcourions les mêmes routes, dormions dans les mêmes auberges, nous produisions dans les mêmes châteaux, moi et mon luth, lui et sa troupe de saltimbanques. Nous troquions de précieux conseils : les bonnes tavernes, les mas isolés, les garçons de fermes imprudents… Entre Béziers, Carcassonne, et Toulouse, nous étions les rois. Nous échangeâmes bientôt nos sangs, et La Femme Sans Nom devint même son mentor. J’en suis d’ailleurs un peu jaloux. Il le sait, et comme pour s’en faire pardonner, me prodigue de son côté l’enseignement de la Voie du Paradoxe.

Un poignard, une malédiction, un rôle décisif…

Le temps passa, et petit à petit, mon passé mourut. Père et mère, frères et sœurs, oncles et tantes, amis et professeurs, sans jamais me revoir… On pourrait croire que j’en fus triste, mais mon cœur semblait s’être arrêté de battre depuis très longtemps. Au contraire, je fus pris d’une soif inextinguible pour le présent, la gloire et ses plaisirs quotidiens. Je devins très habile au luth, au-delà de ce qu’il était humainement possible de faire.

Mon nouvel entourage aime à croire que la musique et la poésie sont pour moi une forme de réconfort, une passerelle vers le passé, un pont vers la vie d’avant. Ils essaient, je pense, de se rassurer eux-mêmes, méditant sur leur nouvelle et terrible condition.

Pour ma part, ils ne pourraient se tromper davantage. Je prends plaisir, bien au contraire, à écrire et à chanter sur les illusions qui adoucissent la cruelle condition humaine : la Foi en Dieu, l’Amour de sa Dame, l’Honneur qu’il y a à mourir sur le champ de bataille…

Toutes choses qui, en réalité, n’existent pas.

Jimmy Fortunately, un Personnage pour Chroniques Oubliées Western « West Legends »

 

« Alors comme ça on voudrait connaître la vie du vieux Jimmy ?
Qu’est-ce que tu crois, fils de pute ? Que je vais tout te raconter ? C’est pas un blanc-bec comme toi, un putain de pied-tendre yankee qui va me tirer les vers du nez. J’ai survécu à Manassas, j’ai survécu à Antietam, j’ai survécu à Fredericksburg, à Chancellorsville, à Brandy Station… Et j’ai déserté après Gettysburg… Alors c’est pas ton étoile de shérif qui m’impressionne. Et là, tu vois, c’est une pipe en écume de mer que j’ai reçu des mains même du Vieux Jeb en 61, et elle aussi, elle a survécu à toutes les batailles ; alors avant que je casse ma pipe… Quand t’as passé trois ans au 1st Virginia Cavalry sous les ordres de JEB Stewart, t’es tanné comme du cuir, pour sûr !
J.E.B Stuart 1833 -1864
Alors c’est vrai, on nous a toujours pas pardonné d’être arrivés en retard à Gettysburg, mais le reste du boulot on l’a fait ! Trois ans à chasser ces putain de yankees, à les harceler, à leur bouffer le cul sur leurs lignes… Trois ans sur un cheval, à se cacher dans les fourrés, à leur larder la couenne à coups de sabre, ou les abattre comme des chiens à plus de 200 yards. On dit que je suis vicieux, un tueur-né. Peut-être. Mais les gars qu’étaient pas vicieux, ils sont plus là, tu sais…
Nathan Bedford Forrest1821 –
Après la guerre ? J’ai traîné un peu avec l’autre cinglé de Nathan Bedford Forrest, mais brûler des négros, c’était pas mon truc. J’ai vu assez de saloperie ; il était temps de gagner un peu d’argent avec. Ce fumier de Sherman avait brûlé l’épicerie paternelle à Bentonville… A part mon cheval, j’avais plus un sou en poche. Je suis parti vers l’ouest… Je sais tirer et monter à cheval, ça peut servir, non ? »
Bataille de Bentonville, 20 mars 1865

3 bonnes questions à se poser avant de créer son Personnage

 

CREER SON PERSO

En écoutant un vieux podcast jeu de rôle consacré à la création de personnages (Les Voix d’Altaride ou Radio Rôliste, je ne sais plus), j’ai découvert ce petit conseil très simple :

Quand vous créer un personnage posez-vous les questions suivantes :

  1. Ce personnage va-t-il vous plaire ?
  2. Va-t-il plaire votre Maître de Jeu ?
  3. Va-t-il plaire aux autres joueurs ?

Ça a l’air basique, mais ça ne l’est pas tant que ça.

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4D6, tu gardes les 3 meilleurs… Euh,  je te conseille un gnome, mage illusionniste…

 

1. Va-t-il vous plaire ?
Ça c’est souvent le plus simple, il est rare que l’on joue un personnage qu’on n’a pas voulu, à part si on joue encore en 1982. Pour autant, si on creuse la question, ça devient intéressant. Est-ce que je peux vraiment jouer cette jolie psychologue célibataire / joueuse de poker / spécialiste de Cthulhu ?  Est-ce que ce n’est pas un peu ridicule ? Est-ce que je n’ai pas poussé le bouchon un peu loin ? Si on se pose la question, on y répond.

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Une jolie psychologue célibataire joueuse de poker et spécialiste de Cthulhu

2. Est-ce qu’il va plaire au MJ ?
Comme il est dit dans les jeux Propulsés par l’Apocalypse, le Maître du Jeu doit être fan des Personnages des joueurs. Pas des joueurs, mais de leurs persos. C’est un conseil très important en effet. Si votre personnage plait au Maître de Jeu, celui-ci va rebondir sur ses qualités et ses défauts et enrichir considérablement votre soirée.

3. Peut-il plaire aux autres joueurs ?
Ça c’est plus difficile, car il y a souvent des profils très différents à une table… Pour autant, si vous arrivez à créer des personnages vrais, passionnants et drôles, c’est mieux que d’ennuyer votre voisin de table avec votre le sempiternel Barbare-en-Quête-de-Vengeance.

 

19480672.jpg-r_760_x-f_jpg-q_x-xxyxxLe sempiternel Barbare en Quête de Vengeance.

Réfléchissez-y !

Monster of the Week : un petit pas pour l’homme, un pas de géant pour le rôliste

Depuis quelques mois, je me suis intéressé aux jeux Propulsés par l’Apocalypse (PbtA). Autant au cours des parties, je ne m’intéresse plus aux systèmes de jeu, ni comme joueur, ni comme maître de jeu, autant ça me passionne sur le plan théorique*. Et si je suis la scène indé/narrativiste, elle m’énerve aussi par ses excès et ses thèmes chichiteux.

Mais comme ces jeux sont édités en petite quantité, il est difficile de trouver chaussure à son pied en boutique, même s’il y a des thèmes sympas (vikings, post-apo, etc.) Toujours est-il qu’il semble difficile de mettre tout seul à ces jeux sans être guidé.

Mais voilà qu’on me propose sur un plateau une initiation à Monster of the Week.

C’est Go Tyborg qui s’y colle, de l’assoce GN Le Masque et la Tour, et de la partie de Vampire La Brume peut masquer le Soleil de l’ami Belphegues. On ne va pas refuser donc, même si le thème ne m’intéresse absolument pas (Buffy contre les Vampires).

Et c’est une révélation. Comme si on était confronté à l’état supérieur du jeu de rôles. Comme si ces jeux PbtA avaient intégré toute l’histoire du jeu depuis 1974. On sait que le cinéma se nourrit du cliché ; les films de genre piochent dedans. Le jeu de rôle fait pareil. Mais jamais le jeu de rôle ne s’en était totalement emparé dans les règles. C’est chose faite ici.

Apocalypse World, le jeu post-apo de Vincent Baker qui a tout lancé 

Un seul objectif pour les jeux PbtA : produire une histoire qui correspond à l’ambiance voulue. On joue à Apocalypse World, on va jouer du Mad Max ou du Fallout, une histoire forcement désespérée.  On joue à  Monster of the Week, on va jouer à Buffy contre les Vampires et pas autre chose. il y aura de l’action, de la comédie, des histoires d’amour…  Ni le maître du jeu, ni les joueurs ne feront quelque chose contre ce canon esthétique. Ça a l’air d’un détail, mais qui n’a jamais souffert du contraire, en tant que joueur ou en tant que MJ ? Qui n’a jamais vu à un joueur prendre un prêtre juste pour les sorts de soins, sans le voir prier son Dieu une seule seconde ? Un voleur qui ne vole jamais, mais qui se comporte plutôt comme un paladin ? Une histoire héroïque, façon Seigneur des Anneaux, ridiculisée par des PJs soudards à la Warhammer ?

Tout cela transpire dans les règles de résolution PbtA. Le maître du jeu ne lance pas de dé. À Donjons et Dragons, le MJ les lance par paquets de dix, mais en réalité, il bidouille avant/pendant/après pour « produire » des résultats conformes à l’effet narratif voulu. Il ajoute avant des bonus pour équilibrer ou déséquilibrer, et triche pendant si le résultat ne nourrit pas bien l’histoire. Il n’applique vraiment le hasard rarement, quand ça ne lui pose aucun problème.

Ici, les joueurs ne lancent des dés que pour des actions extraordinaires – les Manœuvres, ces fameux clichés de votre personnage – auquel s’ajoute un bonus de Charme, de Cool, de Futé… Mais quand le joueur lance les dés, même s’il réussit, il fait également avancer l’Adversaire, ce monstre que joue le maître de jeu, contraint lui aussi de suivre la cohérence esthétique du scénario. Si l’on rate un jet de fouille de la scène de crime, le Monstre apprend que nous sommes à sa recherche, et le MJ doit faire avancer l’histoire…

Autre exemple : pas besoin de caractéristiques type Force, Dextérité ou Intelligence. Si on joue un parano geek, à quoi ça sert d’en faire un balèze ? À part au joueur minimaxeur, la maladie infantile du JDR, c’est-à-dire le gars qui veut le beurre, l’argent du beurre, et le cul de la crémière : si on joue un geek dans Buffy, c’est forcément, selon le cliché en vigueur, un gars nul en sport mais très intelligent. De même, je joue un parano, donc c’est quelqu’un qui ne fait pas confiance aux autres. Si je joue un professionnel, il ne va pas être nul dans son métier, etc., etc. Parce que si on veut jouer ça, veut dire en réalité qu’on n’est pas en train de jouer à Buffy contre les Vampires, mais à quelque chose de plus réaliste. C’est un autre jeu.

En effet, dès la création de personnages, le joueur doit intégrer totalement le concept qu’il a choisi : autre exemple de maturation de quarante-cinq ans de jeu de rôles. Fini le travail d’équilibrage de groupe (« dis donc, Fabien, on a déjà un voleur, un guerrier, deux magos… tu voudrais pas prendre une prêtresse ? »D’abord, le joueur n’a le choix qu’entre 12 archétypes (l’Initié, le Professionnel, le Magicien, l’Epouvantail, le Parano, le Vengeur, l’Elu, le Vaurien, le Divin, l’Expert, le Monstre, l’Ordinaire), qui émulent parfaitement l’ambiance Buffy. Une fois choisi, personne d’autre ne peut le prendre.

Jimmy Burrows, « Smarty », le parano

J’ai choisi Le Parano, et si je peux le personnaliser (apparence, équipement, histoire), mon personnage ne ressemblera jamais à un Professionnel. Et il n’y aura pas d’autre Parano, ce qui me garantit d’être la star de la partie, de ce point de vue-là. Je dispose de ce point de vue de Manœuvres, la grande originalité des jeux Propulsés par l’Apocalypse. Ce sont comme des Maxi-compétences, que seul le Parano possède (il y a un jeu de Manœuvres de base partagées par tout le monde, comme le combat). Mon personnage en a 3 : j’ai des Amis à la bibliothèque (l’ancêtre d’internet), je vais Etablir forcément des liens conspirationnistes, et avec Regarder, tout colle j’arriverai à manipuler les gens uniquement sur mes intuitions délirantes.

« Regarde, Scully, tout colle ! »

La première inquiétude (et j’avoue, c’était la mienne !), c’est de devenir une marionnette, et de permettre au MJ de diriger totalement les actions du joueur. Dans les faits, ce n’est pas du tout le cas. C’est plutôt comme si un metteur en scène faisait de la direction d’acteur et vous guidait dans l’interprétation de votre personnage : « stay in character, Paul ! ». Me voilà donc « Smarty » (genre Rob Lowe dans St Elmo’s Fire). Comme les  Manœuvres, pour mes caractéristiques, j’ai peu de choix (inévitablement j’ai du Charme (+1), je suis Cool (+1), je suis Futé (+2), pas Coriace (-1), et pas trop Bizarre(0)).

Sharon, une… ??

Styne, mon compagnon du soir, joue un personnage très mystérieux, la belle Sharon, au regard glacial. Elle ne joue pas du tout comme moi (j’ai vite mis cartes sur table) mais le système fonctionne également.

Quand la partie commence, on retombe sur ses pieds rôlistes habituels : la partie jouée est classique : mystère à la fac, love stories, gamins paumés et meurtre atroce… Sauf qu’ici, on construit aussi en live : on invente avec le MJ (une idée déjà présente depuis quelque temps dans le JDR, mais très développée ici). Où habites-tu ? Comment s’appelle la bibliothécaire ?  Pourquoi Moses (un PNJ) a été condamné par le passé ? Les joueurs comme le MJ peuvent répondre à ces questions… Ça renforce non seulement l’immersion du joueur, mais ça accélère aussi grandement la partie. Pas de temps mort, le MJ ne cherche pas dans ses notes, ne génère pas des persos au milieu de la partie, etc. C’est l’ensemble de la table qui est le dépositaire de la fiction produite, et c’est très gratifiant pour tout le monde, MJ compris…

Tout ça pour dire que Monster of the Week est très excitant (et qu’on a très envie de le faire jouer, même si le rôle du MJ n’a pas l’air simple). Mais en même temps, ça ne sert pas à tout faire. Impossible à mon sens de faire jouer quelque chose qui n’est pas inscrit dans le canon d’un genre très précis. La Campagne Impériale, par exemple, propose plusieurs canons esthétiques au sein de la même partie : épopée héroïque façon Seigneur des Anneaux et arnaques gritty façon Le Cycle des Epées. Diplomatie de cour et combat dans les montagnes. Commerce le long du Reik et match de Rotzball. Il faudrait en fait plusieurs PbtA pour jouer cette seule campagne.

Mais il est normal que ça ne puisse pas tout faire, car, comme dirait l’autre, « system does matter » !!

*Il faut dire aussi que mes joueurs sont très conservateurs et que j’ai du mal à les amener au-delà des terrains très battus du Basic Role Playing system (d100), qu’entre parenthèses, je déteste, et le d20 que j’adore, mais que j’ai simplifié à ma sauce…

Nicholas La Bougère, personnage de Vampire : victorian age

L’ami Belphegues a eu la drôle d’idée de lancer une partie de JDR en ligne. Mieux, une partie de Vampire ! Deux bonnes raisons de se lancer dans l’aventure. Découvrir, d’abord, ce nouveau continent du jeu de rôle qu’est le jeu en ligne, qui est en train tout simplement de renouveler notre hobby en conquérant, comme on dit, une toute nouvelle clientèle ; mais surtout de jouer à Vampire, le jeu qui a tout changé à l’aube des 90s, en débarrassant le jeu de rôle de ses maladies infantiles (le wargame déguisé) et lui faire assumer sa véritable vocation, à savoir incarner de véritables personnages, de chair et de sang, avec leurs qualités et leurs défauts, et leurs émotions…

Je reviendrais bientôt sur La Brume peut aussi masquer le Soleil, cette aventure Vampire : Victorian Age jouée à l’aide Roll20, mais pour le moment, let me please introduce myself :

Nicholas La Bougère, Daguerreotype by Thereza Mary Dillwyn Llewelyn, circa 1888

« Chaque nuit, j’ai l’impression de me réveiller d’un long cauchemar. Londres. Le centre du monde. La grande cité moderne, le berceau de la civilisation. Me voilà désormais coupé de ma famille, de ma patrie, de mes racines. Je dois renier tout ce qui m’a fait, pour construire un nouveau personnage, avec ce nouvel être qui m’habite. Cet autre. Ce nouveau moi.

Je suis né en 1840 dans la demeure familiale de Sherman Oaks, pas loin de Thibodaux, au cœur du Lafourche Parish. Je parle ce drôle de français qui fait rire les continentaux. Je ne suis pas cajun, mais les racines de mon père sont françaises, dans la Beauce, près de l’ancienne Orléans. Pour autant, je me considère comme un authentique anglo-saxon, le cheveu roux et le regard bleu de ma mère, une Kitteridge de Virginie, l’ayant largement emporté sur les favoris bruns de mon père.

Depuis aussi longtemps que le roi a mis le pied dans sa Nouvelle-France, ma famille exploite les plantations de canne à sucre tout autour de Thibodaux. Elle possède aussi quelques intérêts pour les pêcheries de crevette et d’écrevisses de la Nouvelle-Orléans. C’est là que nous nous rendons au moins deux fois par mois, avec père, pour acheter du matériel, négocier notre coton et parfois acheter un esclave.

Mais c’est là aussi, à l’angle de Chartres et de Wilkinson Street, que j’ai été étreint.

Elle était belle comme la nuit, venait du lointain Ghana, et vendait ses charmes pas loin de Jackson Square… Essi était née un dimanche, (d’où son nom), elle était grande et fine. Elle avait échappé aux ravages du travail de ferme en étant achetée, dès son arrivée, pour travailler dans une Maison.

Elle me fit ce soir-là traverser le fleuve, sous la promesse d’une vraie fête africaine à Algiers. Arrivé dans une clairière, je vis en effet quelques esclaves chanter le vaudou : l’interdit rendait la situation encore plus excitante. L’objet de ce chant était, selon leur folklore, d’amadouer les Asanbosam, démoniaques créatures des forêts. Equipées de grandes dents de fer et d’ergots aux genoux leur permettant de s’accrocher aux branches, ces créatures se suspendaient tête en bas, telles des chauves-souris, tuaient leurs victimes et dévoraient leur cœur, leur foie et se délectaient de leur sang.

Evidemment, je ne compris pas que la véritable victime, c’était moi, et que j’étais déjà entouré de ces créatures ; que ce naïf rituel n’était qu’un simulacre pour me jeter dans leurs rets. Etrange coïncidence – ou facétie des dieux – Chartres est, parait-il, la capitale de la Beauce. Et c’est dans  Chartres Street que je me réveillais, titubant, malade et pâle comme la mort, ne me souvenant de rien.

Le bayou près de Martinville, carte postale, coll. privée

À partir de là, ma vie est devenue évidemment très différente. Je tentais de cacher l’horrible sort qui m’était désormais dévolu ; prétendit, pour préserver mes  proches, une maladie de peau qui m’empêchait de rester au soleil. Cela brisa immédiatement mes engagements vis-à-vis de Caroline Cahill-James, mariage sur lequel mon père comptait beaucoup. Ce fut le coup de grâce*. Je proposais à père de m’éloigner, en prenant un bureau à la Nouvelle-Orléans ; j’y représenterais les intérêts de la famille. Mon père, énormément peiné, accepta néanmoins.

Caroline Cahill James

Caroline Cahill-James, portrait de Francois Burroughs, Wallace Collcetion, Londres

Mais rapidement cette vie se révéla impossible. Je ne pouvais me rendre à des rendez-vous que la nuit tombée, je me voyais dans l’obligation de refuser toute invitation professionnelle ou sociale dans la journée. Ma réputation s’écroula rapidement…

Mais, caprice des dieux, ou rebond dans l’éther d’un quelconque chaos originel, une catastrophe nationale vint s’ajouter à ma malédiction personnelle. Nous avons fait sécession. Les yankees, qui profitaient du bon coton du Mississippi, mais jalousaient notre magnifique art de vivre, voulurent nous faire la leçon.

Au contraire de mes semblables, j’eus la conscience immédiate que nous étions perdus. Nous avions certes les meilleurs généraux, notre cœur était indomptable, de Jefferson Davis jusqu’à chacun d’entre nous. Mais à l’instar de Nicholas La Bougère, passé du mauvais côté du fleuve, le Sud était du mauvais côté de l’Histoire. Le futur était sur l’autre rive ; le Moloch du Progrès, de la Finance, de la Technique…

En mai 1861, juste avant le blocus, et seulement quelques semaines après le début de ma métamorphose, je fis une étrange rencontre. Je promenais ma misère dans le quartier français, horriblement affamé, mais ne pouvant me nourrir que de viandes crues. J’achetais ainsi des poulets, que je dévorais vivants dans une contre-allée de Dauphine Street. Un cocher m’enjoignit à le suivre. Il me déposa à un mile de là, à la Wilkinson Estate. La plantation appartenait à un notable de la Nouvelle-Orléans, Gregg Wilkinson, avec qui mon père était en affaires.

La famille Wilkinson détenait la South&East Shipping Company, qui armait des bateaux jusqu’à Baltimore pour vendre les produits de l’Amérique en Europe. Mon père le connaissait bien, mais je ne l’avais jamais vu. Au lieu de me conduire à son bureau, on m’emmena dans une cave. Mister Wilkinson était là, dans un cellier aménagé en bureau, mais dans une mise en scène morbide qui me glaça le sang. Une faible lumière et un cercueil m’attendait. Et cet ami de la famille La Bougère – c’est ainsi qu’il se présenta – me fit la terrible révélation, que je ne voulus point concéder sur le moment. J’étais désormais un immortel, un paria. Non, ce n’était pas une maladie, un enchantement vaudou, un poison dont une quelconque fiole bénie par le Baron Samedi me guérirait. J’étais devenu quelqu’un d’autre, ou plutôt quelque chose d’autre. Il fallait fuir. Loin, en Europe. Wilkinson m’aiderait. Il organiserait ma disparition ici. En échange, je devrais garder le secret ; une « mascarade » me dit-il sans que j’en saisisse le sens.

Je profitais donc d’un des derniers bateaux de la S&E Shipping Co. pour m’enfuir. Le blocus refermait ses mâchoires d’acier sur notre beau Sud. J’avais une lettre de recommandation pour Londres, pour le Père Jeremiah Marshall, l’Inquisiteur local. Je ne comprenais rien à tout cela, et je fis mes maigres bagages (un portait de Caroline, caché dans ma montre, un exemplaire de La Guerre du Péloponnèse, et ma Bible) comme dans un rêve brumeux. Je n’étais déjà plus d’ici, je serais plus utile là-bas.

A Londres. Pour affronter le Moloch. »

* en français dans le texte

Godless

 

Le big sky. Ce n’est pas seulement le titre original de La Captive aux Yeux Clairsd’Howard Hawks, c’est la meilleure définition que l’on pourrait donner de la Terre des Fantasmes, quelques secondes après y avoir posé pour la première fois le pied. Quand on arrive aux États-Unis d’Amérique, c’est ce qui vous frappe en premier : le ciel. Un immense et bleu, devant, derrière, sur les côtés, sans limite. Un ciel de paradis, blanc comme les nuages qui y paressent… Un pays de géants, incroyablement beau.

Godless : BigSky + Féminisme

C’est aussi ce qui frappe de prime abord dans Godless : la magnifique représentation – renouvelée – de cette immensité. Pourtant, elle n’a pas manqué de glorieux représentants dans le western classique, de la Monument Valley de John Ford, aux étendues neigeuses immaculées de Jeremiah Johnson. Mais c’est comme si Scott Frank avait su trouver pour Godless de nouveaux pinceaux, une nouvelle palette, pour filmer l’ouest, ses grandes plaines, ses déserts et ses forêts.

Pour une fois nous allons faire chronique commune avec Planet Arrakis, le blog de jeu de rôle du Professore. Car par un effet de synchronicité typiquement Jungien, ce qui se passe dans la vie se passe dans la série, et inversement. Le Professore Ludovico anime depuis quelques mois une partie de jeux de rôle western baptisé La Nuit des Chasseurs*. L’un de ses joueurs, l’auguste Beresford, nous signale Godless, « une série qui va vous plaire », tant elle ressemble aux aventures qui nous occupent autour de la table de jeu. On regarde donc. Et on est fasciné par les ressemblances : la vieille mine, la ville du Wild West, son saloon et ses putes, les indiens qui rôdent, les soldats perdus de la Guerre de Sécession… Normal, dira-t-on : dans les deux cas, on fait appel aux clichés du western, mais cela va bien au-delà. Dans le jeu, Karl Ferenc (il y a beaucoup de Cinefasters, à commencer par Le Snake, autour de la table), tire dans le genou d’un journaliste pour lui apprendre la vie. Dans le film, la peintre tire dans le genou pour apprendre la vie à un Agent Pinkerton. Il y a un cercueil, bourré de dollars, qui traîne quelque part dans La Nuit des Chasseurs. Idem dans Godless. Et une ambiance fantastico-biblique pèse sur le fatum des deux fictions.

Les clichés, malgré leur mauvaise réputation, font le genre, au cinéma, en jeu de rôle, en littérature. Ils sont les piliers sur lesquels le public s’appuie pour s’aventurer en terrain connu, et connivent, avec l’auteur. Pas de film de zombie sans blonde hurlante, pas de film de guerre sans soldat héroïque, pas d’heroic fantasy sans princesse à sauver… Sans, vraiment ? Pourtant, pas de blonde hurlante dans Walking Dead, pas de soldat héroïque dans La Ligne Rouge, et pas de princesse à sauver (c’est plutôt le contraire !) dans Game of thrones

Car pour faire œuvre, il faut transcender les limites du genre, les respecter, les violer, bref, jouer avec. C’est exactement ce que fait Scott Frank dans Godless : plutôt que d’aligner ces clichés, il les transcende**, démontrant qu’avec du travail et du talent, on peut passer du produit commun de série B au pur chef d’œuvre. Car ce n’est pas un western normal, même si sa forme et son propos restent étonnamment classiques.

Godless : Esthétique du cliché

Godless est d’abord extraordinairement esthétique (ne ratez pas les vingt premières minutes, jamais on a filmé comme cela les grandes plaines sous l’orage). Mais ses histoires sont toutes simples, pour ne pas dire éternelles. Un outlaw sur la voie de la rédemption, un shérif veuf, inconsolable, et à la ramasse, une fermière mère courage, et un vieux gangster revenu de tout, godless, qui veut récupérer un magot et se venger.

Mais dans cette soupe de légumes classique, Scott Frank, scénariste averti d’Hollywood pour pointures 90’s (Branagh, Spielberg, Sonnenfeld, Soderbergh***) ajoute des épices tout à fait étonnantes. La ville est spéciale, peuplée quasi uniquement de femmes depuis l’effondrement de la mine qui a tué leurs maris. De cet événement quasi biblique, Scott Frank tire parti pour lancer l’idée d’une utopie féministe anachronique, à l’aube du XX° siècle. Et fait de ces femmes des personnages qui ont les clefs en mains : au-delà de la tragédie, voilà une incroyable opportunité de devenir maîtresse de son propre destin. On verra ainsi s’esquisser un personnage lesbien absolument pas ridicule (ce qu’il craignait fort d’être), des femmes fortes et de faibles femmes, des hommes forts qui se révèle faibles et vice versa…

De Titanic, on disait ici que c’était un film con, car les films cons osent tout, et c’est à ça qu’on les reconnaît. On pourrait dire la même chose de Godless, une série conne qui ose tout et réussit tout. Un film féminin et féministe, un western d’action et contemplatif, une histoire de rédemption et l’impossibilité de la rédemption, des histoires d’amour (qui finissent mal en général…) Tout en maintenant une tension érotique pendant six épisodes sans jamais succomber à la tentation d’en montrer plus…

Et ce n’est rien dire des grands acteurs qui transforment ces clichés en personnages de chair de et de sang, où même les pires ordures auront leur moment de gloire. Car Godless est peuplé de ces acteurs « B » dont personne (sauf les cinefasters) connaissent le nom : Jack O’Connell (Skins, ’71, HHhH), Michelle Dockery (Downtown Abbey), Scoot McNairy (Halt&Catch Fire, Monsters, Twelve years a Slave, Fargo), Merritt Wever (The Walking Dead), Thomas Brodie-Sangster (Le Labyrinthe, Game of Thrones), Sam Waterston (La Déchirure, The Newsroom), Jeff Daniels (Speed, The Newsroom, The Looming Tower) …

Si une série est capable de vous donner envie de dresser des étalons, que vous dire de plus ?

La Nuit des Chasseurs, par Yno, disponible ici
** La Nuit des Chasseurs, aussi, même si cette transcendance reste entièrement aux mains des joueurs et du Maitre de Jeu
*** qui coproduit Godless

 

La Nuit des Chasseurs, les résumés

Ce qui fait le plus plaisir au Maître de Jeu, c’est connu, c’est qu’on lui en demande encore plus qu’il n’en donne. Aussi quand le Karl Ferenc a exigé, sur ce même site (voir commentaire de l’article précédent), que ces résumés soient présents sur Planet Arrakis, évidemment, j’ai biché.

Car Karl Ferenc est aussi joueur, sous le nom de Frank Anderson, avec ses amis Larry Ayerdahl et Darcy « Red » Flynn, à l’excellente Nuit des Chasseurs, le formidable western d’Yno, qui en seulement 52 pages A5, permet à des joueurs créatifs de broder sans fin dans ce bac à sable western (pardon, ce shooter).

La Nuit des Chasseurs, c’est quelques pages de règles (Corpus Mechanica, le système maison utilisé aussi dans Notre Tombeau), un setting complet avec la petite ville minière de Desolation, Texas, où les personnages sont parachutés Marshalls, par un simple twist of fate, comme dirait Dylan.

À partir de là, chacun peut faire son miel comme il l’entend : Southern Gothic, Western Spaghetti, ou revival façon Red Dead Redemption, ou pourquoi pas, steampunk façon Les Mystères de l’Ouest.

Dans la Nuit des Chasseurs, les joueurs peuvent faire absolument ce qu’ils veulent. Pour cela, le MJ dispose d’une galerie de personnages très touffue, jouant des clichés avec subtilité (le sheriff, les grands propriétaires, le croque mort…), quelques lieux emblématiques (le saloon, le bordel, …), 2 ou 3 accroches de scénario, et un fil rouge qui drive les joueurs.

La Nuit des Chasseurs devient alors une partie de ping-pong entre les idées du MJ et celles des joueurs : tout simplement ce que devrait être une partie de jeu de rôle.

« Un problème, pied tendre ? » 
Kyle McCarthy, Sherif deputy

Voici donc le résumé, épisode par épisode, de La Nuit des Chasseurs. N’ayant pas le temps d’écrire une chronique de 400 pages comme celle de Hadden sur La Campagne Impériale, ou celle de Gilles sur son Cirande (un autre bac à sable passionnant), j’ai trouvé un système plus simple : un PowerPoint que je mets à jour après chaque partie avec les photos des principaux protagonistes et des relances à la manière des feuilletons du XIX° siècle … ou du Rocky Horror Picture Show !

Episodes :

Desolation s01e01

Desolation s01e02

Desolation s01e03

Desolation s01e04

 

Gros Ben, un PNJ pour l’Empire en Flammes

Benedikt Haussler, dit Gros Ben, est un personnalité de Ballenhof, le carrefour entre Nuln, Hochsleben, et la route du Nord, qui remonte vers Averheim, et le Stirland.

Si, tous les deux ans, Benedikt est réélu Bailli par le Conseil des Dix depuis maintenant plus de quinze ans, c’est qu’il ne fait pas le métier à moitié. Juge de paix, bon gestionnaire des denrées, cherchant toujours une solution locale plutôt que d’en appeler au noble le plus proche, Gros Ben est très apprécié, même si on se moque de son physique et qu’aucune femme, visiblement, ne veuille de lui. Il possède un moulin et est métayer de quelques hectares de blé.

Quand les aventuriers pénètrent à l’Oie Farcie, une des auberges de Ballenhof, une conversation animée entre Gros Ben et d’autres clients attire leur attention. Leur désaccord porte sur l’embargo du blé. Les récoltes n’ont été bonnes pour personne. Et la prudence des uns, ou la spéculation des autres, fait monter les prix. Depuis la Nuit des Feuilles d’Or et la mort de l’Empereur, personne ne sait comment vont tourner les choses.

Ses interlocuteurs ont besoin de vendre et voudraient voir le duc, mais Gros Ben s’y refuse ou menace de ne plus s’occuper de rien, en déposant sur la table un lourd collier chargé de médailles. Les autres gardent le silence un instant, puis cèdent. Gros Ben, avec un sourire satisfait, repasse le collier.

Il est toujours Bailli.

Marco Orsini, un PNJ pour l’Empire en Flammes

Marco est l’un des fils Orsini, de modestes négociants en vin de Tilée. Plus aventureux que ses frères, il a décidé d’emprunter la Bruissante pour aller vendre son vin aux « imperiali ». Il se promène avec son chariot, ses échantillons de vin rouge pétillant, et son serviteur Francesco. Les affaires sont modestes pour le moment, mais bon, « c’est hiver ! »

Il a croisé nos amis à Ballenhof et leur a demandé, avec son fort accent, le moyen de partir vers Nuln ou Hochsleben.

Mais nos amis sont occupés à d’autres tâches, ce qui les rend volontiers paranoïaques. « Pas possible ! » répond Helmut, catégorique, avant de s’éloigner. Le tiléen devra trouver des bateliers plus compréhensifs.

Ilse Schönebrunn, un PNJ pour l’Empire en Flammes

Ilse Schönebrunn, c’est le sel de la terre. Un petit bout de femme, qui gère seule l’Orée du Bois, l’auberge-relais de Maüchen. Ilse, c’est la gentillesse même. Elle aime ses clients, les vieux comme les jeunes, les riches comme les pauvres. Elle est très efficace et en même temps s’intéresse à la vie des gens. Elle vit seule, et elle est courtisée par tous les gars du village. Mais le cuistot, Vieux Frank, veille sur elle. Gare à celui qui lui parle mal. Comme ce rustre de Meyer, un jour, il lui arrivera des broutilles…

Ce rustre de Meyer…